Contrairement à ce qui se dit parfois, le comportement du non candidat Éric Zemmour ne représente pas une innovation mais la répétition d'un phénomène récemment inauguré par Donald Trump : la vérité n'ayant aucune importance et les insultes étant partagées par un public complaisant, l'essentiel est de donner aux autres candidats une très mauvaise réputation. La provocation la plus grave à laquelle il se soit livré ces derniers temps, c'est son attaque contre le gouvernement de François Hollande, qui n'aurait pas su, selon lui, protéger les Français contre les attentats du 30 novembre 2015 et serait donc, de facto, responsable de centaines de morts et de blessés.
On peut certes s'en indigner, ce qui ne servirait à rien, mais il est préférable de savoir à qui on a affaire. La campagne est déjà noyée sous l'invective, elle ne sert plus qu'à couvrir de honte tout candidat qui n'est pas M. Zemmour. Si rien ne fonctionne sous la gauche ni sous la droite, c'est qu'il n'existe qu'un choix : celui de la droite de l'extrême droite, celui pour qui l'immigration est la cause première du terrorisme en France et celui qui expose des moyens radicaux pour débarrasser le pays de la plus grande partie de ses musulmans. On laissera à l'histoire le soin d'établir une vérité durable sur les épisodes tragiques du terrorisme en France. Mais que l'on soit socialiste ou non, on ne peut pas laisser dire d'un président qu'il a été négligent à l'égard des djihadistes. Il suffit de se rappeler que M. Hollande a déclenché une opération militaire qui se poursuit encore dans le Sahel pour comprendre qu'il a utilisé les meilleurs moyens logistiques dont nous disposons pour écarter la menace terroriste.
Robespierre à l'envers
Cependant, d'avoir à démentir un menteur est forcément une tâche difficile, car plus on entre dans un débat totalement artificiel, plus on échange des arguments et plus le provocateur apparaît non pas comme ce qu'il est, mais comme un homme qui sort de toutes les routines et exprimerait une vision politique des choses. La forte popularité de M. Zemmour sanctifie ses discours : elle lui permet de s'approprier les suffrages de ceux qui préfèrent une explication simple à un mal absolu, de sorte qu'il suffirait d'extirper le terrorisme de France grâce à un président du calibre de ce plaisantin, au lieu de concevoir des plans bâtis sur le respect des valeurs démocratiques et républicaines.
Dès lors que nous n'aurons plus de précautions à prendre sur le plan des libertés, il ne nous resterait plus qu'à exiler les arabo-musulmans par milliers pour limiter leur nombre en France et, en même temps, le risque de nouveaux attentats. C'est un projet concevable, mais inapplicable, de sorte que les électeurs de M. Zemmour seraient déçus après l'avoir élu, mais ce serait trop tard, la caractéristique essentielle de l'extrême droite étant de rester au pouvoir après l'avoir conquis sans trop s'encombrer de scrupules. C'est Robespierre à l'envers. Il suffira de désigner les traîtres pour les éliminer de la course au pouvoir, leur administrer une bonne couche de calomnies, les couvrir d'une honte complètement imméritée, bref les détruire.
Ce danger, il faut le dénoncer maintenant avant qu'il fasse davantage de dupes. Ce mythe du superman capable de régler le problème de l'immigration au moyen de la brutalité n'a pour objectif que d'écarter tout candidat attaché au respect des lois. M. Zemmour n'est pas seulement le variant Delta du Covid Le Pen, il est le clone du père de la candidate et a donc réussi à affaiblir Marine en reprenant à son compte la thèse du grand remplacement. Ce qui n'est pas du tout original et ne témoigne pas d'une imagination alerte mais est présenté sous un package neuf et soi-disant inédit. Le monde est plein de Zemmour, ils s'appellent Trump, Erdogan, Johnson, Poutine. Des noms illustres ? Non, des gens qui ont fait perdre au monde deux siècles de progrès des libertés. Là, on ne parle plus du prix de l'essence et des gilets jaunes, mais de démocratie française.
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