C'est la fable de La Fontaine racontée à l'envers : le lièvre est parti avant la tortue. Édouard Philippe sera candidat en 2027. Il s'est lui-même mis hors course en 2022, car il souhaite, dit-il, qu'Emmanuel Macron obtienne un second mandat. Dans cette perspective, il crée un parti dont l'avantage serait d'élargir la majorité actuelle, en y ajoutant plus de forces de droite, alors que nombre d'élus de la République en marche, venus de la gauche, souhaitent un meilleur équilibre au sein du parti.
D'un côté, la démarche de M. Philippe est intéressante dans la mesure où elle inclut la désespérante chute des Républicains, incapables de choisir leur candidat, l'effondrement de la gauche qui, des excès verbaux de la France insoumise aux intentions compliquées des Verts, semble perdue dans ses divisions, tandis que le PS, incarné par Anne Hidalgo, est à l'asphyxie. D'un autre côté, il y a quelque témérité à annoncer un projet qui court sur près de six ans et dont on peut craindre qu'il perde le souffle pendant la course. La vérité la plus probable est que l'ancien Premier ministre se prémunit contre deux dates fatidiques, 2022 et 2027, et qu'il prend ses dispositions pour répondre présent si d'aventure le président Macron renonçait à se présenter pour un second mandat.
Dès lors qu'un Éric Zemmour semble briguer la magistrature suprême, on ne voit pas pour quelle raison un homme politique lourd d'expérience comme Édouard Philippe se priverait de ses ambitions délibérément : il est l'homme le plus populaire de France, sacrifié sur l'autel des ambitions personnelles de M. Macron, néanmoins très loyal au président sortant et se faisant fort de le faire réélire. On a rarement vu un vassal aussi fidèle. Il a mis au point une démarche sensible et intelligente dans la mesure où il laisse entendre que, s'il s'interdit de causer le moindre tort à M. Macron, il ne désertera pas si celui-ci se désiste.
Un homme pour toutes les saisons
En y réfléchissant bien, la notion d'une droite largement majoritaire dans le pays soutient le parcours que M. Philippe veut entreprendre. Loin de bénéficier de leur implantation et de leur popularité, les Républicains demeurent immobiles, comme écrasés par leur passion anti-Philippe, qui les empêche d'admettre qu'il devrait être leur candidat naturel. Il les aura pris de court, sa démarche étant plus inspirée par l'attitude du parti auquel il appartenait que par une farce qu'il aurait faite à M. Macron. Philippe est bien entouré, bien conseillé, il est sûr de lui et affiche, peut-être volontairement, son optimisme. Il est l'homme de son temps, dans un pays qui continue à rejeter la gauche et qui, en dépit des troubles qu'elles causent, souhaite que les réformes aillent à leur terme.
Ce n'est pas un hasard en effet si Édouard Philippe a annoncé un tabou, la forte prolongation des carrières professionnelles pour sauver le système de retraites. Ses propos auraient été suicidaires s'ils n'avaient pas été prononcés à bon escient. Sur un problème vrai, qui a besoin d'une vraie solution, il faut dire la vérité. Il faut, impérativement, équilibrer les régimes après les avoir fondus en un seul. De même qu'il faut rembourser au moins une partie de la dette et c'est d'ailleurs le même sujet. Le remboursement n'est pas la fin du monde. Il s'obtient pas la croissance, qu'il faut donc encourager par tous les moyens, y compris la baisse du coût du travail, par une inflation limitée à 2 %, et par l'augmentation du pouvoir d'achat. Les campagnes électorales ne favorisent guère les discours sincères. Le système de retraites est devenu un tabou temporaire. On l'a laissé pour 2022. Bonne chance au prochain président.
M. Philippe a une place évidente dans le paysage politique national. Il a déjà un prestige supérieur à la flopée de personnalités qui se sont portées candidates. Il sera encore jeune en 2027, et en même temps expérimenté et compétent. Si la disparition des partis, paradoxalement, passe par la création de partis, il a eu raison de créer le sien.
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