Il faut dire que les Mélenchon et autres Le Pen ont l'avidité tenace. Ils jouent les législatives comme un troisième tour. Marine Le Pen aura sans doute plus de députés qu'elle n'en comptait naguère, mais pas autant que les bataillons de M. Mélenchon, jusqu'à une centaine de députés, dit-on. Comme il n'y a pas de limite à l'ambition, il n'y en a pas à l'illusion. Et voilà que le chef de la France insoumise, qui ne cesse de dire qu'il sera élu Premier ministre, se voit déjà à Matignon dans un gouvernement de cohabitation. S'il l'était, l'Europe se mettrait à genoux devant Poutine. Voter pour lui, c'est voter pour le maître du Kremlin.
Il n'y a rien qui lui permette d'avancer cette hypothèse, en tout cas pas les instituts d'opinion qui, tout en constatant que les troupes de Mélenchon et de Le Pen vont grossir, affirment que M. Macron aura la majorité absolue : elle commence à 289 sièges. Aidés par les médias, qui confondent joyeusement hypothèses et certitudes, nous voilà tous partis dans une analyse alambiquée, selon laquelle c'est Jean-Luc Mélenchon qui prendra le pouvoir au soir du 19 juin. Le président sortant (et rentrant) n'a pas levé un cil. Par une curieuse distorsion du raisonnement, on continue de lui reprocher son absence relative de la scène électorale, alors qu'il a tout de même constitué un gouvernement, dirigé par une femme et auquel il a confié un cahier des charges accablant.
Macron n'est pas là, on le lui reproche ; il forme un gouvernement, on le lui reproche ; il est majoritaire puisqu'il gagne les élections les unes après les autres, mais on souligne avec des ricanements que sa cote personnelle ne dépasse pas 41 %. Chichement, les instituts lui accordent une majorité absolue plus près des 300 que des 350. Cela s'appelle l'art de commettre une grave erreur car, lorsque le résultat des législatives sera annoncé au terme du second tour, l'opinion se souviendra des prédictions erronées des enquêtes.
Sur le scrutin majoritaire
J'ai déjà expliqué pourquoi, depuis le remplacement du septennat par le quinquennat, les électeurs préfèrent donner une majorité au vainqueur de la présidentielle. Je ne mets pas en doute la capacité de LFI et du RN d'augmenter leurs effectifs. J'y vois une correction majeure à un scrutin majoritaire qui favorise les candidats les plus populaires au détriment des autres, mais qui se met au service d'un parti ascendant. Le nombre des gagnants engendre encore plus de gagnants. Il n'est donc pas normal de dénoncer un système de vote parce qu'il accablerait les plus faibles. Il le fait, certes, mais il donne une prime à ceux qui sont bien élus.
Pourquoi est-ce Macron qui obtiendra la majorité absolue ? Parce qu'il a déjà pompé une partie de l'électorat des Républicains (LR). Parce que les Français n'auront pas le cœur de paralyser le prochain gouvernement. Parce que le RN aura une soixantaine de sièges, la Nupes une centaine, et Ensemble plus de 300. Le chef de l'État a fait de son mieux en formant un gouvernement du « en même temps », avec Pap N'Diaye au ministère de l'Éducation, formidable promotion pour la gauche que Mélenchon n'a pu que saluer, et Damien Abad aux Solidarités. Bref, n'importe quel citoyen qui ne lit jamais les journaux sait que M. Macron continue sur sa lancée de 2017, de sa philosophie politique, de donner le sentiment aux classes populaires comme à la classe moyenne qu'ils ne sont pas abandonnés.
De sorte que sa stratégie était écrite, que ses ennemis pouvaient la prévoir depuis cinq ans, et que, s'ils en sont là où ils sont, c'est parce qu'ils n'ont pas trouvé le moyen de remédier aux stratagèmes inventés par le président. Mélenchon sait ce qu'il veut, il ne cache pas son jeu, mais comme Marine Le Pen, il ne parvient pas à transformer l'essai. Personne ne doute que les cinq années qui viennent seront particulièrement agitées, que Macron sera plus attaqué que jamais, que ses réformes en seront retardées, mais ne tirons pas des plans sur la comète. Le président aura sa majorité.
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