Dépistage du cancer du poumon, diagnostic psychiatrique, traitement de l’endométriose… Comme en témoignent les Journées francophones de radiologie 2022 (7 au 10 octobre, Paris), l’imagerie médicale s’invite dans de plus en plus de champs.
Nouveaux diagnostics, dépistages, voire traitements. Bien que centrées sur le « numérique et les parcours de soins », les Journées francophones de radiologie (JFR) 2022 ont permis d’entrevoir les récentes évolutions de l’imagerie médicale… et ses nouvelles applications potentielles. À commencer par le dépistage du cancer du poumon.
Le dépistage du cancer du poumon testé chez les femmes
Alors que le cancer du poumon est à l’origine de 33 000 décès par an en France et constitue la première cause de mortalité par cancer dans le monde, un dépistage est de plus en plus envisagé. L’idée, rappelle le Pr Marie-Pierre Revel, radiologue à l'hôpital Cochin (Paris) lors d’une conférence de presse pré-JFR, est de détecter par scanner faible dose chez des sujets à rique de cancer du poumon la maladie à un stade où la chirurgie est encore envisageable, alors qu’à l’heure actuelle, 80 % des cas sont découverts à des stades avancés.
Dès 2011, une étude américaine (National Lung Screening Trial) conduite sur plus de 54 000 patients a montré que cette approche était associée à une réduction de 20 % de la mortalité par cancer. « Le problème est qu’il y avait trop de faux positifs, ce qui a conduit la Haute Autorité de santé (HAS) à ne pas se prononcer en faveur du dépistage », se souvient Marie-Pierre Revel. Mais, en 2020, « la donne a complètement changé », l’étude néerlando-belge Nelson ayant retrouvé une réduction de la mortalité supérieure à 20 %, avec seulement 2 % de faux positifs.
Dans ce contexte, l’Europe reconsidère le dépistage. « Le 20 septembre dernier, le Conseil européen a changé sa recommandation (…) afin d’inclure le dépistage du cancer du poumon parmi les dépistages recommandés », se félicite le Pr Revel. Seule condition : mener préalablement des études d’implémentation. D’ailleurs, la HAS encourage aussi, depuis février 2022, « la mise en place d’expérimentations en vie réelle ». Car restent à définir les modalités pratiques du dépistage.
Aussi, diverses expérimentations ont été présentées aux JFR : un travail mené en Corée du Sud, l’étude DEP KP80 conduite depuis mai 2016 dans la Somme, ou encore le projet d’étude pilote de l’Institut national du cancer (Inca).
Pour sa part, le Pr Revel a présenté l’étude Cascade, lancée en avril 2022 par l’AP-HP. L’originalité de ce travail : cibler une population exclusivement féminine de fumeuses et ex-fumeuses alors que les études ont jusqu’à présent majoritairement inclus des hommes. « Au point que l’étude Nelson concluait “more research is needed in women” », déplore le Pr Revel.
Pourtant, les femmes pourraient bénéficier particulièrement du dépistage. Alors qu’à exposition au tabac égale, le risque de développer un cancer du poumon est 1,7 fois plus élevé chez les fumeuses, et que la part de femmes parmi les patients atteints de cancer du poumon a plus que doublé en 20 ans, l’étude Nelson suggère que le dépistage pourrait, chez les femmes, réduire le risque de décès non pas de 20 % mais de près de 60 %. Ainsi, des données féminines apparaissent « très attendues au plan international », insiste le Pr Revel.
De plus, ce dépistage pourrait être couplé au dépistage du cancer du sein. « Car les mêmes classes d’âge sont ciblées. De plus, selon une étude italienne, si le premier examen de dépistage est négatif, le dépistage peut être espacé à tous les deux ans », rapporte la radiologue.
Par ailleurs, ce travail expérimente une lecture unique des scanners par un radiologue libéral – « pas expert mais formé par la Société française de radiologie (SFR) », souligne le Pr Revel – aidé d’une intelligence artificielle (IA). Et ce, au lieu d’une double lecture, modèle jusque-là choisi dans les études, souligne la SFR par communiqué. Une difficulté concerne toutefois l’entraînement des IA. « Pour le moment, les algorithmes ont été entraînés sur de vieilles données », déplore la radiologue, qui décrit alors un effort de réentraînement sur la base de nouveaux clichés préalablement analysés par des experts.
À noter que dans Cascade, le dépistage est associé à une aide au sevrage tabagique. « Sur nos 79 % de fumeuses actives, 75 % acceptent à l’issue de la consultation d’inclusion une aide au sevrage et une prescription de substituts nicotiniques », rapporte le Pr Revel.
Développement de l’IRM en psychiatrie
L’IRM pourrait prendre une place de plus en plus prégnante en psychiatrie. C’est ce que suggèrent diverses présentations résumées par Jean-Pierre Pruvo, neuroradiologue au CHRU de Lille, selon qui l’IRM devrait être utilisée plus systématiquement pour le diagnostic différentiel des maladies psychiatriques face à tout premier épisode, en particulier chez des adultes sans antécédent. Car, d’après la SFR, « 1 à 2 % des patients admis en psychiatrie souffrent d’un trouble (neurologique) associé à une atteinte organique », comme une sclérose en plaques, une tumeur, etc. Un chiffre qui pourrait atteindre 10 à 15 % des patients dans certains centres, estime le Pr Pruvo, évoquant une étude réalisée à Lille.
Et l’IRM fonctionnelle pourrait également intégrer la pratique courante pour le diagnostic positif des pathologies psychiatriques, des biomarqueurs ayant été identifiés pour diverses maladies. « Par exemple, dans la schizophrénie (et les états délirants), l’IRM fonctionnelle d’activation permet de repérer la zone qui se déclenche », indique le Pr Pruvo. Dans le même esprit, dans la bipolarité et les états maniaques, l’IRM fonctionnelle de repos peut mettre en évidence un contrôle insuffisant des émotions. Ce qui peut aussi faciliter l’acceptation de la maladie et la psychoéducation, note le Pr Pruvo.
L’IRM fonctionnelle pourrait de plus guider le traitement, à l’instar des stimulations magnétiques externes à appliquer sur les zones d’activation anormale identifiées, et suivre les interventions médicamenteuses plus traditionnelles. « Par exemple, alors qu’il faut attendre un à deux mois pour observer cliniquement l’effet du lithium, l’IRM permet de confirmer sa fixation sur le tronc cérébral dès 2 à 3 jours de traitement », rapporte le Pr Pruvo.
Cependant, des difficultés pratiques restent à dépasser. Notamment, la longue durée d’acquisition des clichés (jusqu’à 40 minutes) impose une bonne préparation du patient, une valorisation des examens et la mise à disposition de plus de « temps machine ». « Il faut un plan pour l’imagerie psychiatrique », estime ainsi Jean-Pierre Pruvo, qui souligne que si l’IRM cérébrale constitue à ses yeux une « grande révolution médicale », seules 1 000 machines sont au total actuellement disponibles en France – contre 4 000 en Allemagne, par exemple.
L’imagerie se structure dans l’endométriose
En outre, l’imagerie affirme sa place dans la prise en charge de l’endométriose. Alors que cette pathologie, qui pourrait concerner 2 millions de Françaises, a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années, son diagnostic radiologique apparaît plutôt nouveau. « La première description en IRM d’endométriose profonde a été faite à l’hôpital Tenon (…) il y a une petite vingtaine d’années », se rappelle le Pr Isabelle Thomassin-Naggara, radiologue à l'hôpital Tenon (Paris). Si, désormais, la triade « examen clinique, échographie pelvienne endovaginale et IRM pelvienne » permet « une fiabilité diagnostique de plus de 90 % pour le diagnostic positif », se félicite la SFR, l’enjeu a d’abord été de former les radiologues.
Et, récemment, un effort de structuration des comptes-rendus a été réalisé. Cet automne, « un lexique a été formalisé, avec des termes qui permettent de bien décrire la maladie », rapporte le Pr Thomassin-Naggara. Le but : rendre l’information plus compréhensible par tous les médecins intervenant auprès des patientes, plus « reproductible » en évitant les langages vernaculaires, explique la radiologue.
L’enjeu dépasse le diagnostic de la maladie. Comme le souligne la SFR, « l’IRM pelvienne et l’échographie sont (désormais) incontournables pour le bilan préopératoire des patientes » : l’imagerie doit désormais guider les interventions et « prédire de potentiels risques postopératoires », avance Isabelle Thomassin-Naggara.
En outre, de nouvelles techniques de traitement émergent. « Dans l’endométriose, la radiologie interventionnelle commence à prendre toute sa place, notamment avec des techniques de cryothérapie de paroi, de plus en plus utilisées pour traiter les endométrioses localisées, afin d’éviter les complications notamment esthétiques de la chirurgie classique », indique la radiologue.