Les différentes recommandations récemment publiées proposent des approches assez distinctes des troubles bipolaires (TB), et de ce fait sont régulièrement débattues. Ce qui ne surprend guère le Pr Pierre-Michel Llorca (Clermont-Ferrand) : « Il s’agit en fait plus de consensus d’experts, qui ne constituent qu’un cadre mais fournissent de bons éléments de base ». Les recommandations AFPBN 2014 (1) et CANMAT/ISBD 2018 (2) avaient la faveur des orateurs, ces dernières en raison de leur ouverture et de la clarté de la classification thérapeutique en molécules de 1re, 2e voire 3e ligne. Elles portent essentiellement sur les TB de type I (phases maniaques et dépressives), les données étant relativement pauvres pour les TB de type II (phases hypomaniaques et dépressives). Elles insistent sur la polarité prédominante du trouble, qui ne figure pas dans le DSM mais constitue une préoccupation majeure.
Comme en phase aiguë, les antidépresseurs sont contre-indiqués en monothérapie, ainsi qu’en association avec un stabilisateur de l’humeur (SH) chez les patients à cycle rapide. La plus grande prudence est de mise chez patients ayant des antécédents de virage de l’humeur sous antidépresseurs. Les experts recommandent en première ligne une monothérapie par un SH, voire une bithérapie par SH devant des critères de sévérité — comme des rechutes fréquentes ou une symptomatologie résiduelle. Généralement, on poursuit les traitements qui se sont montrés efficaces en phase aiguë, mais une polarité dépressive dominante peut amener à en changer.
Le lithium, un traitement de référence boudé
Pour le traitement de maintenance, le lithium reste la référence — mais sa prescription ne cesse de chuter — du fait de son efficacité à prévenir à la fois les épisodes dépressifs et maniaques, avec un effet plus important toutefois pour la prévention de ces derniers. D’autres molécules ont un fort niveau de preuve fort pour la prévention des épisodes maniaques et dépressifs, comme la quetiapine, la lamotrigine, l’association quetiapine et lithium ou valproate, un peu plus faible pour le valproate ou l’asenapine, l’aripiprazole étant plus efficace sur les épisodes maniaques que sur les récurrences dépressives.
En deuxième ligne, on trouve essentiellement la rispéridone et l’olanzapine. Ce sont leurs effets secondaires qui les ont fait réserver à la deuxième intention.
Chez les patients les plus âgés, le lithium reste le traitement de référence, en ajustant le taux plasmatique (0,4 à 0,8 mmol/l de 60 à 79 ans et 0,4 à 0,7 après) avec, en association, la lamotrigine avant 80 ans et celle-ci ou le valproate au-delà.
« Les psychothérapies restent indispensables mais il faut favoriser leur accessibilité et leur encadrement, qu’il s’agisse de la prise en charge psychologique, des thérapies cognitivocomportementales ou de la psychoéducation », rappelle le psychiatre.
Session « Troubles bipolaires : les nouveaux guidelines » (1) Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (2) Canadian network for mood and anxiety treatments (CANMAT) and International society for bipolar disorders (ISBD) 2018. Guidelines for the management of patients with bipolar disorder
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