Repérer et accompagner les troubles psychiques à l’adolescence

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Publié le 29/04/2022
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Si 94 % des consultations des adolescents sont motivées par un trouble somatique ou une demande administrative, des troubles psychiques, allant du mal-être à la dépression, sont présents dans 13 à 20 % des cas. Des troubles qu’il faut savoir repérer, car leur prise en charge précoce, par un accompagnement adapté, réduit la morbidité et la mortalité ultérieures.
La crise sanitaire a aggravé la situation des jeunes

La crise sanitaire a aggravé la situation des jeunes
Crédit photo : phanie

La situation est aujourd’hui préoccupante. On observe un pic d’hospitalisation pour tentative de suicide (TS) chez les filles âgées de 15 à 19 ans. Le taux de tabagisme quotidien, bien qu’à la baisse, reste élevé, puisqu’il concerne 25 % des adolescents. Un consommateur de cannabis sur quatre présente un usage problématique et, en 2017, 44 % des jeunes de 17 ans déclaraient un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante au cours du dernier mois ; 16 % rapportaient même avoir connu trois épisodes. Les interruptions volontaires de grossesse sont en augmentation constante, malgré un accès à la contraception anonyme et gratuit chez les 15-17 ans.

La crise sanitaire a aggravé la situation et, selon des données de l’Insee, on note une augmentation de la prévalence des troubles anxiodépressifs, des TS et de l’usage des écrans.

Le test Bits

Les médecins généralistes jouent un rôle central dans la détection précoce du mal-être psychique et des addictions. En pratique, chaque consultation d’un adolescent, quel que soit son motif initial, est l’occasion de repérer un problème sous-jacent. Notamment, l’examen médical à 15/16 ans offre l’opportunité d’aborder les différents aspects de la santé et de la vie.

Pour repérer des troubles d’ordre psychique, après avoir réalisé l’examen somatique, les praticiens peuvent s’aider du questionnaire Bits (Brimades ou maltraitance ou harcèlement, Insomnies, Tabac et Stress), en quatre questions : « As-tu souvent des insomnies, des troubles du sommeil ? Te sens-tu stressé par le travail scolaire ou l’ambiance familiale ? As-tu été récemment maltraité à l’école, au téléphone, sur internet, ou à la maison ? Fumes-tu du tabac ? ». Chaque réponse positive à ces questions banales appelle une précision complémentaire pouvant indiquer une gravité (cauchemars, brimades en dehors de l’école, stress à l’école et à la maison, tabagisme quotidien). Lorsque le score dépasse 3 points sur 8, il est préconisé de rechercher d’éventuelles idées suicidaires et des scarifications, puis de caractériser une dépression, en recourant à l’autoquestionnaire ADRS par exemple, lors d’une consultation ultérieure dédiée.

Une porte ouverte

Comme l’a rappelé le Pr Daniel Marcelli, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, le Bits est un très bon test, qui donne une ouverture sur la dimension psychique. Les adolescents ont du mal à parler spontanément de leurs problèmes ; leur poser des questions leur donne une ouverture. Lorsque l’adolescent vient consulter avec l’un de ses parents, il faut aménager un moment d’entretien avec l’adolescent seul et, en cas de problème, s’accorder avec lui sur ce que le médecin dira au parent, selon le concept de confidentialité conditionnelle, respectant le secret professionnel et le devoir d’assistance. Il est important de créer un lien de confiance avec l’adolescent et, si besoin, de lui proposer directement un rendez-vous à une date et un horaire précis pour une consultation dédiée. L’adolescent se sent alors l’objet d’un intérêt du médecin.

Il ne s’agit bien sûr pas de tout résoudre, mais d’offrir une aide à l’adolescent en l’accompagnant lorsque cela est nécessaire. Il peut être revu à l’occasion de quelques consultations, pour passer un cap, ou orienté si besoin vers un confrère pour un avis ou une prise en charge spécialisée.

Le dispositif « Monpsy »

Dans ce cadre, le dispositif « Monpsy », mis en place par l’Assurance-maladie, offre une nouvelle possibilité de prise en charge sur adressage du médecin traitant.

Ce dispositif, effectif depuis début avril 2022, s’adresse à tous les patients de plus de 3 ans en souffrance psychique d’intensité légère à modérée. Sur orientation d’un médecin, avec transmission d’un courrier d’adressage, le patient peut bénéficier de 8 séances d’accompagnement psychologique, réalisées par des psychologues conventionnés par l’Assurance-maladie et prises en charge par cette dernière. Les patients présentant des symptômes sévères, des signes de décompensation psychiatrique aiguë ou un risque suicidaire doivent toujours être orientés sans délai vers un psychiatre ou une structure spécialisée.

Exergue : Lors de la consultation, il faut aménager un moment d’entretien sans les parents

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin