En installant hier la commission qui planchera sur un “parcours 1 000 jours” dédié à la petite enfance, sous l’égide du neuro-psychiatre Boris Cyrulnik, le gouvernement donne à la prévention infantile une nouvelle dimension. à la fois car il officialise l’importance de cette période, qui va de la conception de l’enfant jusqu’à ses deux ans, en termes de développement ultérieur. Mais aussi, parce qu’il propose une vision de la prévention au-delà du médical “pur”, pour basculer vers une approche davantage psychosociale et psycho-éducative, en misant sur l’accompagnement à la parentalité.
Le concept des 1 000 jours n’est pas nouveau. Dès les années 90, les épidémiologistes ont pointé l’impact de la nutrition précoce, y compris in-utero, sur la santé cardio-métabolique ultérieure de l’individu. Des travaux de plus en plus nombreux ont ensuite élargi cette approche, mettant en évidence les effets à long terme sur la santé des états inflammatoires et infectieux, de l’exposition à certains toxiques, etc. Enfin, le rôle du milieu affectif sur le développement psychique et cognitif a été mis en lumière grâce aux apports des neurosciences et de la neuro-imagerie. Autant d’arguments pour agir dès cette “fenêtre de tir” et tenter d’améliorer la situation des jeunes en France.
Car il y a fort à faire. Selon un rapport de l’Unicef de 2013, la France occupe la 10e place (sur 29 pays occidentalisés) pour le bien-être en santé des enfants. Dès la grande section de maternelle, près de 9 % des petits Français sont en surpoids et 3,2 % souffrent obésité. La situation s’aggrave chez l’adolescent. Selon une récente étude de la Dress, près de 18 % des élèves de 3e sont en surpoids.
Autres sujets de préoccupation, la maltraitance infantile, qui reste une vraie réalité, et les addictions qui s’installent chez les jeunes. À 17 ans, ils sont 39 % à avoir essayé le cannabis et 7 % en font un usage régulier, ce qui fait des jeunes Français les plus gros consommateurs européens. À cet âge, seuls 4 % n’ont jamais bu d’alcool et près d’un quart fument quotidiennement.
Même sur des pathologies “banales”, la marge d’amélioration existe. Ainsi, près des deux tiers des hospitalisations pour asthme concernent des enfants de moins de 15 ans.
Dans ce contexte, les médecins ont certes un rôle de prévention majeur à jouer, que ce soit pour informer, éduquer, traiter les facteurs de risque ou prévenir les complications. Mais certains leviers leur échappent et relèvent sûrement davantage de la société ou des politiques. Les autorités semblent l’avoir compris et s’impliquent de plus en plus. Que ce soit en proposant de nouveaux repères nutritionnels dédiés aux enfants, en accordant une large place aux jeunes dans le dernier plan addiction ou en prenant à bras-le-corps la question des vaccinations du nourrisson, comme l’a fait Agnès Buzyn en s’investissant personnellement dans l’obligation vaccinale.
Le président de la République, qui porte le “parcours 1 000 jours” avec Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, semble vouloir aller plus loin. Reste à savoir quels moyens seront mis sur la table, alors que le système sanitaire de la petite enfance est déjà sous tension.
Pour Boris Cyrulnik, le jeu en vaut la chandelle. « Mettre de l’argent sur les bébés c’est une bonne affaire ! » a-t-il ainsi déclaré mercredi sur France Inter.