Les besoins nutritionnels du prématuré sont très différents de ceux de l’enfant né à terme. En effet, le 3e trimestre de la grossesse est la période où la croissance (poids, taille, périmètre crânien) est la plus rapide de la vie.
Chez les enfants prématurés, qui ne bénéficient donc pas de cette période de croissance, l’objectif est de reproduire les conditions qui auraient été les siennes in utero afin d’éviter les conséquences délétères à court terme et à long terme d’une malnutrition. Différentes études ont en effet montré le lien entre la croissance postnatale de ces enfants et leur développement cognitif dans la petite enfance.
Durant l’hospitalisation
Les besoins nutritionnels de l’enfant prématuré sont élevés et spécifiques. Il s’agit de couvrir ces besoins afin d’obtenir une croissance postnatale suffisante (au moins équivalente à la croissance du fœtus) et de bonne qualité (pas d’excès de masse grasse, bonne minéralisation osseuse). Les objectifs sont donc quantitatifs et qualitatifs. L’alimentation des enfants prématurés durant l’hospitalisation est complexe en raison de l’immaturité du système digestif, mais aussi de la présence de comorbidités inhérentes à la prématurité.
En pratique, le nouveau-né prématuré reçoit dans les premiers jours une nutrition parentérale via un cathéter veineux central, complétée, dès le premier jour de vie, par une alimentation entérale par sonde gastrique. Idéalement du lait maternel : soit du lait de la propre mère, soit du lait de lactarium (don anonyme). Le lait maternel revêt en effet une importance majeure car il permet à l’enfant prématuré de mieux se défendre contre les infections, mais aussi d’être moins exposé à l’entérocolite ulcéro-nécrosante, pathologie digestive sévère spécifique de l’enfant prématuré. De plus, l’allaitement a un effet positif à long terme sur le développement cognitif de ces enfants (voir encadré).
Au retour à domicile
À la sortie de l’hôpital, en général vers un âge gestationnel corrigé de 36 semaines d’aménorrhée, certains enfants ont des paramètres de croissance « dans les courbes » et d’autres présentent encore un petit décalage de croissance. Il s’agit donc d’une population assez hétérogène au moment de la sortie, certains enfants ayant bien rattrapé en termes de poids, d’autres moins, ce qui amène à préconiser différents types d’alimentation.
Le lait maternel reste le meilleur choix et l’allaitement doit être encouragé (voir encadré). À défaut, trois types de préparations à base de lait de vache pour enfants de faible poids à la naissance peuvent être utilisés selon les cas. Une préparation un peu plus riche en protéines, énergie et minéraux que les préparations pour nourrissons (ex-1er âge). Une préparation intermédiaire (Post discharge formula des Anglo-Saxons), un peu moins riche en protéines que les précédentes. Ou, plus rarement, une préparation classique 1er âge.
Ces enfants ne sont pas plus allergiques que les autres et la diversification a lieu au même âge que chez les enfants nés à terme, soit entre 4 et 7 mois, à l’exception des extrêmes prématurés chez lesquels il est habituel d’attendre le terme théorique plus 2 à 3 mois.
Ils sont habituellement suivis au sein d’un réseau de suivi des enfants prématurés jusque vers l’âge de 5 à 7 ans.
Favoriser l’allaitement maternel, un défi actuel |
La recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est d’alimenter l’enfant prématuré en premier lieu avec du lait maternel (lait de sa mère ou lait de don fourni par un des 36 lactariums français). La nutrition de l’enfant prématuré a bénéficié au cours de ces dernières années de nombreux progrès, à la fois en améliorant la façon de fournir un lait maternel adapté sur la nutritionnel (enrichissement en protéines, énergie et minéraux) et en mettant à disposition des préparations à base de lait de vache adaptées spécialement pour les enfants de faible poids à la naissance. Le défi aujourd’hui est de progresser en matière d’allaitement maternel. Chez l’enfant prématuré, en effet, le lait maternel, au-delà de ses bénéfices observés chez tous les nouveau-nés, présente des avantages spécifiques sur le développement cognitif (quotient intellectuel). Il réduit aussi le risque de complications pendant l’hospitalisation : infections et entérocolite ulcéro-nécrosante. Il est riche en facteurs de croissance qui participent à la maturation de l’intestin du nouveau-né, ce qui explique que le lait maternel est mieux toléré que les préparations à base de lait de vache. Il peut être consommé en grandes quantités, ce qui aide à couvrir les besoins hydriques élevés du prématuré, de l’ordre de 160 à 180 mL/kg/jour. Enfin, il ne faut pas oublier son impact positif sur la relation mère-enfant, qui joue un rôle important dans le développement cognitif de l’enfant. Pour cette raison, la stratégie actuelle consiste à aider les mères à tirer leur lait le plus vite possible, dans les 6 heures suivant l’accouchement, et régulièrement (6-8 fois par 24 h). Cela n’est pas toujours facile car l’accouchement prématuré survient souvent dans un contexte de complications maternelles. |
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Pr Jean-Charles Picaud, chef du service de réanimation néonatale, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
Références
Site perinat-France.org :
http://www.perinat-france.org/portail-grand-public/bebe/le-bebe-premature/quand-bebe-arrive-trop-tot-413.html
Site des lactariums de France
http://sdp.perinat-france.org/ADLF/
Picaud JC. Nutrition entérale de l’enfant prématuré. In Jarreau PH, Baud, O, Casper C, Mitanchez D, Picaud JC, Storme L, Réanimation et soins intensifs en néonatologie : diagnostic anténatal et prise en charge spécialisée. Elsevier Masson, 2016 ; 383-5.
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