L’OPÉRATION FUT COMPLEXE, mais les résultats sont là. Cinq ans après la réalisation, chez une jeune femme, de la première greffe de trachée avec ensemencement de cellules souches, la patiente a bien toléré le greffon (malgré l’absence d’utilisation d’immunosuppresseurs), elle a recouvré une fonction pulmonaire normale et elle mène une existence qu’elle n’aurait pu avoir sans l’opération.
Seule ombre au tableau : le développement, un an après la greffe, d’unesténose cicatricielle au niveau de l’anastomose avec la trachée d’origine, dont le traitement a été difficile. Autrement, aucun signe préoccupant de cancérisation, et aucun anticorps anti-donneur.
La patiente, âgée de 30 ans en 2008, présentait une bronchomalacie au stade terminal. La greffe proposée par l’équipe internationale (Suède, Italie, Espagne) de Paolo Macchiarini était la solution de la dernière chance. La technique, complexe, reposait sur l’ensemencement d’un greffon trachéal (dé-cellularisé) provenant d’un patient décédé, par des cellules souches issues de cellules épithéliales et de chondrocytesautologues (de la patiente, donc). Quatre mois après la malade allait bien, mais des questions restaient posées concernant le devenir du greffon re-cellularisé, la stabilité à long terme de la matrice trachéale et les risques de transformation néoplasique, toujours à craindre avec l’implantation de cellules souches.
Tout d’abord, la qualité de vie de la patiente (évaluée par le CDCHRQOL-4) est satisfaisante au bout de 5 ans (reprise d’activités courantes, relations sociales), mise à part la répétition des examensendoscopiques, perçue comme pénible. Les paramètres de la fonction pulmonaire sont quant à eux fort encourageants : capacité pulmonaire totale de 4,53 l et volume résiduel de 1,28 l, soit 90 % ou plus de ce qu’on espérait.
Le développement progressif d’une sténose cicatricielle au niveau del’anastomose proximale a imposé de multiples dilatationsendoluminales, puis la pose de stents. Les différents types de stentsutilisés ayant été problématiques, les chirurgiens ont finalement opté pour un stent en polydioxanone (biodégradable) auto-expansif, bien mieux toléré mais devant être renouvelé. Les auteurs notent que ce problème de sténose est apparu sur le site d’une résection trachéale qui avait été faite 8 ans auparavant chez la patiente. Par contre on n’a observé aucun problème au niveau de l’anastomose distale (trachée-bronches).
Un épithélium cilié à 2 ans.
Les biopsies effectuées un an après la greffe ont montré une complètere-cellularisation du greffon trachéal (avec glandes séro-muqueuses), et l’apparition d’un épithélium cilié à 2 ans. Un aspect anatomique parfaitement normal était observé en juin 2012.
Les échecs des tentatives antérieures d’allogreffes ou de xénogreffesde trachée étaient attribués en particulier à un rejet avec nécrose du greffon. Dans le cas présent, en dépit de l’absence d’immunothérapie, aucun signe d’intolérance n’a été observé, ce que confirme l’absence d’anticorps anti-donneur. Même constatation rassurante en ce qui concerne un risque cancéreux potentiel : les analyses parmicrosatellites indiquent que les propres cellules de la patiente ont colonisé le greffon, excluant la possibilité de cellules résiduelles en provenance du donneur.
Les auteurs sont donc plutôt confiants quant à l’avenir de la techniqued’allogreffe de trachée avec ensemencement par cellules souchesautologues. Les résultats d’une étude clinique en cours (Ministero dellaSalute DGPREV 0015677-P-28/06/2011) devraient préciser si cette approche peut être généralisable.
Paolo Macchiarini et coll.The first tissue-engineered airwaytransplantation: 5-year follow-up results. The Lancet (2013) en ligne
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