LA POPULATION FRANÇAISE vieillit et de plus en plus de sujets âgés sont obèses et présentent de nombreuses comorbidités : augmentation du risque de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, de cancer, d’arthropathie, de dépression… Le risque de devenir diabétique augmente chez les sujets obèses, même après 65 ans, toutefois, ce risque diminue avec l’âge. L’obésité est associée à une augmentation du risque de mortalité jusqu’à 75 ans. Cependant, il semble que les sujets devenus obèses tardivement n’aient pas le temps de développer les comorbidités. « La prévalence de l’obésité augmente avec l’âge : l’IMC moyen augmente jusqu’à 65 ans. 18,7 % des sujets âgés de plus de 65 ans sont obèses (IMC› 30) et 1,1 % a un IMC› 40. C’est une situation très préoccupante, dangereuse pour la santé », a souligné le Dr Didier Quilliot (Nancy). Cependant, l’IMC n’est pas un bon indice de l’obésité chez le sujet âgé car, à poids constant, il augmente avec l’âge à cause de la diminution de la taille (tassement vertébral) : entre 30 et 70 ans, les femmes perdent en moyenne 5 cm et les hommes 3 cm. L’IMC augmente ainsi en moyenne de 1,5 chez les hommes et de 2,5 chez les femmes. La mesure du périmètre abdominal qui permet de dépister l’excès de tissu adipeux viscéral est plus intéressante que la mesure de l’IMC.
On constate que le tour de taille augmente avec l’âge, quels que soient le sexe et le seuil choisi avec pour conséquence une augmentation de la prévalence du syndrome métabolique chez les sujets âgés (HTA, diabète, dyslipidémie…)
Les femmes sont cependant plus touchées : 53,6 % des femmes âgées de plus de 65 ans auraient un tour de taille supérieur à 88 cm (le traitement hormonal n’a pas d’influence) versus 40,4 % des hommes› 65 ans avec un tour de taille› 102 cm. Le tour de taille prédit mieux le risque de mortalité cardiovasculaire chez le sujet âgé obèse que l’IMC.
Changement de la composition corporelle avec l’âge.
Un autre facteur très important à prendre en compte est la modification de la composition corporelle avec l’âge. Avec le vieillissement, la masse maigre se raréfie alors que la masse grasse a tendance à s’accumuler au niveau viscéral : + 10 % d’augmentation de la masse grasse chez l’homme et + 5 à 6 % chez la femme. La perte de la masse maigre est essentiellement musculaire. Cette perte de masse musculaire s’observe surtout au niveau des jambes et les hommes sont plus touchés que les femmes : ils perdent en moyenne 20 % de muscle entre 20 et 80 ans. L’étude ABC (2 307 sujets âgés de 70 à 79 ans, suivis 7 ans) a montré qu’au-delà de 70 ans, la masse maigre continue de diminuer avec l’âge et ce phénomène est plus rapide chez les hommes que chez les femmes.
La perte de masse maigre n’est pas rattrapée avec la prise de poids car si l’on grossit, on prend de la masse grasse. La baisse de masse maigre est corrélée à la masse grasse initiale. Les obèses qui bougent moins perdent plus vite leur masse maigre. Les conséquences fonctionnelles de la perte de masse maigre sont très importantes (diminution de la force et de la qualité musculaire).
Au stade ultime de la perte de masse maigre, on parle de sarcopénie qui peut toucher les sujets de tous poids, même les obèses. La sarcopénie augmente le risque cardiovasculaire, le syndrome métabolique, la rigidité artérielle et diminue les fonctions cognitives.
La prévalence de l’obésité sarcopénique est très variable selon les études : 7,6 à 20 % des sujets obèses âgés de plus de 60 ans seraient sarcopéniques. La sarcopénie est un facteur essentiel de difficulté physique, essentiellement chez les sujets obèses. Ces patients ont beaucoup plus de mal à accomplir les gestes de la vie quotidienne : ils présentent un risque d’IADL (Instrumental Activities of Daily Living) altéré d’au moins 2 points. La masse grasse abdominale représente ainsi un facteur aggravant, voire prépondérant, sur les répercussions fonctionnelles. L’obésité sarcopénique augmente également les risques d’ostéo-arthrite du genou.
Activité physique et apports en protéines.
L’amaigrissement chez les sujets âgés obèses est très discuté : certaines études sont contradictoires… Une étude a notamment montré que l’obésité protégerait le patient âgé en post-opératoire : les patients dénutris présenteraient un risque de mortalité trois fois plus élevé.
Un amaigrissement involontaire est un facteur prédictif de mortalité. D’après une méta-analyse portant sur 26 études prospectives, le risque de mortalité serait augmenté de 22 à 39 %.
Chez un sujet âgé obèse en bonne santé, sans complication, l’objectif est la stabilisation du poids. Une perte de poids modérée progressive de l’ordre de 5 à 10 % est recommandée en cas de comorbidités (diabète, maladies cardiovasculaires, problèmes articulaires…), accompagnée d’un traitement des facteurs de risque. La mortalité liée au diabète diminue de 33 % en cas de perte de poids de 9 à 13,5 kg.
Les conseils nutritionnels doivent être adaptés au patient. L’important est de renouer avec l’alimentation plaisir. Il faut surtout combattre les fausses idées et croyances et maintenir les apports en protéines (≥ 1 g/kg) et l’activité physique.
La thérapie cognitivocomportementale est possible chez le sujet âgé. Un régime sévère (Very Low Calorie Diet) à 800 calories est proscrit. Le Xenical peut être prescrit ainsi qu’un apport en vitamine D et en calcium.
L’activité physique en résistance (musculation), plutôt qu’en endurance (marche), protège l’obèse âgé de la sarcopénie : elle diminuerait le risque de moitié en cas d’activité modérée.
Il faut penser à dépister la sarcopénie : mesure de la circonférence brachiale (seuil : 21,5-23 cm chez la femme et 23,4-25 cm chez l’homme), mesure de la circonférence du mollet (seuil minimal 31 cm). L’absorptiométrie biphotonique (Dexa) est très utile. En revanche, l’impédancemétrie n’est pas une bonne technique chez le sujet obèse. Si l’obésité est associée à la sarcopénie, la perte de poids n’est pas conseillée.
La prise en charge de la sarcopénie repose sur l’activité physique et le maintien ou l’augmentation des apports en protéines. La nutrition pulsée avec 75-80 % des apports en protéines apportés lors d’un seul repas à midi serait plus efficace.
Communication du Dr Didier Quilliot (Nancy).
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