En psychiatrie, l’attention autour des patients se focalise sur leurs troubles mentaux et leur risque suicidaire. L’obésité, et ses complications métaboliques, qui représentent pourtant leur première cause de mortalité – avec une diminution de l’espérance de vie d’au moins dix ans, et même trente dans la schizophrénie –, restent trop souvent négligées.
Or, ces patients ne vont pas forcément d’eux-mêmes vers les centres de nutrition et n’y sont pas adressés. « Il y a trop souvent l’idée que l’obésité en psychiatrie est un corollaire des traitements. Dans les faits, c’est une des raisons majeures qui poussent les patients à les arrêter ! Tout l’enjeu est donc de prévenir la prise de poids, tant ces patients sont à risque. Quand elle survient, il est difficile de revenir en arrière », avertit le Pr Sébastien Guillaume (psychiatre, CHU Montpellier), qui intervenait à ce sujet au Congrès de l’encéphale, en janvier, à Paris.
De nombreux facteurs, interconnectés par des cercles vicieux d’adaptation physiologique néfaste, qui se renforcent mutuellement, contribuent à cette association. Les facteurs environnementaux, comme une mauvaise hygiène de vie, jouent également. « Dans les dernières recommandations de la Haute Autorité de santé, le fait d’avoir un trouble psychiatrique sévère classe d’emblée l’obésité au niveau 3 de sévérité. Cela doit pousser à développer les collaborations entre psychiatres et nutritionnistes », propose le Pr Guillaume.
Psychiatres et nutritionnistes doivent collaborer
Pr Sébastien Guillaume
Des parcours intégrés
Les parcours devraient inclure un dépistage précoce des patients à risque de prise de poids, une surveillance rapprochée des effets métaboliques des psychotropes, des modifications thérapeutiques du mode de vie et des interventions non médicamenteuses.
Les adaptations hygiénodiététiques sont les mêmes que pour tout patient en situation d’obésité, d’autant que sortir et bouger a des effets positifs sur l’humeur et le stress. Mais elles sont souvent difficiles à mettre en place et/ou à maintenir chez ces patients. Prendre un avis auprès d’un médecin nutritionniste est aussi indispensable.
Enfin, chez un patient sous antipsychotique, le risque métabolique lié au traitement doit être pris en compte dans la balance bénéfices-risques, en particulier chez ceux qui ont des antécédents personnels ou familiaux de surpoids ou de prise de poids sous antipsychotique, et en cas de prise de poids sur les six premières semaines de traitement (le risque est alors accru). « Certaines molécules sont moins pourvoyeuses de surpoids, comme l’aripiprazole. Au contraire, d’autres sont à haut risque, comme la clozapine, l’olanzapine. La rispéridone, la quétiapine et l’amisulpride sont à risque intermédiaire de prise de poids », détaille le Pr Guillaume.
Un premier essai de prévention
Les agonistes au récepteur au GLP1 (arGLP1) font maigrir des patients en situation d’obésité, mais n’ont jamais été évalués dans une optique préventive. C’est l’objet d’une étude multicentrique mise en place dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national soutenu par le réseau Force, la fondation FondaMental et Novo Nordisk. Elle évaluera le sémaglutide à haute dose (Wegovy) versus placebo, en prévention de la prise de poids chez des patients porteurs de troubles psychiatriques sévères.
« Cela n’a jamais été fait. Vont être inclus, dans chaque bras, une centaine de patients non diabétiques atteints de schizophrénie ou de troubles bipolaires, qui démarrent un traitement psychiatrique par clozapine, olanzapine, quétiapine ou rispéridone (soit des traitements connus pour faire prendre du poids), et qui ont pris plus de deux kilos après deux semaines d’initiation », explique la Pr Ariane Sultan (diabétologue, CHU de Montpellier).
Dans cette étude randomisée reposant dans chaque centre sur un duo psychiatre et médecin nutritionniste, les patients vont recevoir une injection hebdomadaire par un infirmier pendant six mois, de sémaglutide ou de placebo. Chaque groupe bénéficiera de conseils nutritionnels et d’activité physique.
Le critère principal est la prise de poids à six mois. Les critères secondaires évalués sont le tour de taille, la glycémie, le bilan lipidique, les marqueurs de l’inflammation, des questionnaires de comportement alimentaire, de qualité de vie, d’activité physique, d’évaluation psychiatrique et des effets indésirables. Avec un suivi d’un an post-traitement, l’étude se déroulera sur un total de 36 mois. « Un résultat positif permettrait de prescrire le sémaglutide en prévention chez ces patients à haut risque d’obésité », envisage la Pr Sultan.
Article précédent
Végétaliser, oui mais comment ?
Article suivant
Dénutrition : le diabète aussi !
Santé et écologie : le combat est le même
Végétaliser, oui mais comment ?
En psychiatrie, un facteur de poids
Dénutrition : le diabète aussi !
Maladies inflammatoires : les conseils fiables
Un microbiote contre le cancer
Dénutrition périnatale, obésité au tournant
Du yoyo à la sarcopénie
Épigénétique : les pères aussi ?
Les parents repèrent mieux les risques d’hyperphagie
Facteur aggravant pour le pied
Une appli en prévention du DT2 ?
TCA : un rebond post-Covid
Rôle des acides gras
Un acide gras laitier antitumoral
À l’échelle d’obésité
Modulation du métabolisme : un nouveau levier
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?