Malgré les progrès réalisés au cours des 20 dernières années, il n'existe pas de traitement curatif de la sclérose en plaques (SEP), cette maladie neurologique auto-immune qui touche 100 000 Français, dont 75 % de femmes - une proportion en hausse. À l'occasion de la journée mondiale de la SEP qui se tient comme chaque année le 30 mai, l'Institut du Cerveau a fait le point sur les défis qu'il reste à relever pour améliorer la prise en charge de tous les patients et les différentes pistes explorées par ses équipes dans le domaine de la remyélinisation.
« La SEP est régie par les trois composantes inflammatoire, démyélinisante et neurodégénérative - cette dernière étant à l'origine de l'accumulation du handicap -, mais aussi par la capacité de remyélinisation des individus », a rappelé la Pr Catherine Lubetzki, directrice médicale de l'Institut. Avec l'équipe qu'elle codirige avec le Pr Bruno Stankoff, elle a en effet mis en évidence à l'aide de techniques combinant IRM et tomographie par émission de positons (TEP-IRM) des capacités de remyélinisation différentes d'un patient à l'autre.
Les traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs, qui agissent sur la composante inflammatoire, ont transformé la prise en charge des patients atteints de la forme rémittente de la SEP (85 % des cas), qui débute vers 30 ans et évolue par poussées avec des symptômes neurologiques transitoires. En revanche, l'immunothérapie n'a qu'un effet modeste sur les formes progressives d'emblée, qui se manifestent plus tardivement (15 % des patients) et dont les symptômes neurologiques s’aggravent progressivement.
Greffe de cellules immunitaires humaines chez la souris
« Chez certains patients atteints de SEP rémittente, on observe une progression silencieuse vers une forme secondairement progressive : même si l'on parvient à supprimer les poussées, le handicap continue de s'installer. Empêcher cette évolution représente le challenge thérapeutique de la prochaine décennie », estime la Pr Lubetzki.
D'ores et déjà, le Centre d'investigation clinique (CIC) dédié aux neurosciences de l'Institut - structure qui associe plateforme de recherche et accueil des patients - évalue en phase 3 des molécules qui pourraient arrêter cette progression silencieuse. « La plupart des thérapies ne sont pas efficaces pour empêcher la forme secondaire progressive de la SEP, car elles ciblent le système immunitaire au niveau du compartiment sanguin, explique la Dr Céline Louapre, directrice du CIC. Aujourd'hui, nous testons des molécules capables de passer la barrière hémato-encéphalique et ainsi de cibler la microglie, qui participe probablement à cette progression silencieuse. » Les résultats devraient être connus en 2025.
D'autres approches, plus fondamentales, font l'objet de recherche à l'Institut du Cerveau. Violetta Zujovic, chercheuse Inserm et cheffe d’équipe à l’Institut, « s'inspire des patients pour décrypter les mécanismes moléculaires et cellulaires de la réparation de la myéline ». « Les cellules immunitaires ont un rôle destructeur sur la myéline, mais elles interviennent aussi dans le processus de réparation », explique la chercheuse, qui s'attelle à modéliser le phénomène.
Pour mieux comprendre pourquoi certains patients sont capables de bien réparer la myéline et d'autres non, elle a développé un modèle de souris humanisé : elle greffe à des souris dépourvues de système immunitaire adaptatif des cellules immunitaires de patients plus ou moins bons remyélinisateurs. « En induisant un processus de démyélinisation, nous pouvons étudier l'hétérogénéité observée chez les patients, décrit la chercheuse. Nous avons réussi à mettre en évidence les différentes molécules et les différentes sous-populations de lymphocytes en jeu dans le processus. »
De plus, grâce au séquençage à haut débit et à la collaboration avec des bio-informaticiens, l'équipe de Violetta Zujovic a mis au jour les réseaux moléculaires en jeu dans ce phénomène, ce qui permet d'identifier des molécules d'intérêt.
Agir sur la conduction électrique
Dans un projet de recherche qu'elle mène actuellement dans la névrite optique (atteinte du nerf optique fréquente dans la SEP), la Dr Louapre est de son côté partie de la science fondamentale pour aller vers le patient. « Plusieurs travaux de notre équipe de recherche ont montré que la conduction de l'influx nerveux est primordiale pour la réparation de la gaine de myéline, rapporte-t-elle. Quand on facilite la conduction nerveuse, on accélère la réparation, et inversement. » Partant de ce constat, la neurologue mène actuellement un essai thérapeutique au sein du CIC visant à évaluer l'intérêt de la stimulation du nerf optique à l'aide d'électrodes indolores au cours de la névrite optique. Les résultats de l'étude On-Stim sont attendus d'ici à un an.
Un autre projet mené à l'Institut, appelé Imagin-Deal, vise à rendre accessible les techniques d'imagerie de pointe à tous les patients, en particulier la TEP-IRM. L'équipe menée par le Pr Stankoff et Olivier Colliot (CNRS) développe un algorithme à l'aide de l'intelligence artificielle qui permettra, à partir d'imagerie IRM de routine, de prédire les capacités de remyélinisation des patients. Cet outil a vocation à être utilisé dans tous les hôpitaux afin d'affiner la prise en charge des patients. La TEP-IRM, qui représente un outil majeur dans la SEP, sera aussi utilisée en phase 2 dans l'essai Modif-MS (AP-HP) pour évaluer les capacités de remyélinisation d'une molécule.
« La compréhension des mécanismes de la maladie a beaucoup progressé, même si on ne connaît pas encore le primum movens de la SEP », souligne par ailleurs la Pr Lubetzki, précisant que la SEP n'est pas liée à une cause unique mais à un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux. Une étude récente parue dans « Science » a notamment confirmé le rôle majeur de l'infection au virus Epstein-Barr (EBV) dans le développement de la SEP (1), même s’il ne s’agit pas d’un facteur unique puisque cette infection est très fréquente dans la population générale.
La spasticité dans la SEP, une indication phare du cannabis thérapeutique
Dans le cadre de l'expérimentation du cannabis thérapeutique en France, la spasticité, qui touche environ 80 % des patients atteints de sclérose en plaques, est l'une des cinq indications retenues. Ce symptôme, caractérisé par une raideur musculaire persistante et/ou des spasmes, est extrêmement réfractaire aux traitements médicamenteux.
L'idée d'utiliser des produits issus du cannabis n'est pas neuve : depuis plus de 15 ans, le Sativex dispose d'une AMM dans plusieurs pays (mais pas en France faute d'accord sur le taux de remboursement) et s'appuie sur l'effet myorelaxant du tétrahydrocannabinol (THC) et du cannabidiol (CBD).
(1) K. Bjornevik et al., Science, 2022. DOI: 10.1126/science.abj8222
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