Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé la France, plusieurs neurologues se sont inquiétés des problèmes d'accès aux traitements de la sclérose en plaques (SEP), du fait de la déprogrammation dans les établissements hospitaliers. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a répondu en autorisant temporairement, en mars 2020, le natalizumab (Tysabri) dans le cadre d'un programme d'hospitalisation à domicile (HAD). « L'agence a clarifié la situation, se souvient le Pr David Laplaud, chef du service de neurologie au CHU de Nantes. Le laboratoire Biogen n'était pas très clair sur l'utilisation à domicile. Nous n'étions pas sûrs de pouvoir le faire, et cela ne figurait pas dans les recommandations. »
Quand la maladie est très active, le natalizumab (qui prévient le passage des globules blancs dans le cerveau) en perfusion toutes les quatre semaines est l'un des traitements de fond proposés. À l'Hôpital Fondation Rothschild, l'organisation d'un programme de HAD pour l'administration de cette biothérapie a nécessité la prise en compte d'un certain nombre de risques. « Le risque principal, c'est l'allergie qui nécessite la présence d'un chariot d'urgence en cas de choc anaphylactique », explique la Dr Caroline Bensa, neurologue et coordinatrice du Centre de ressources et de compétences SEP à l'Hôpital Fondation Rothschild. Dans son programme, la Dr Bensa n'admet que les personnes ayant eu au moins six perfusions en hospitalisation classique, pour minimiser le risque allergique. « Au bout d'un an de perfusion sans réaction, on peut considérer le risque allergique comme écarté », affirme pour sa part le Pr Laplaud.
L'autre risque majeur est l'infection par le virus JC, susceptible de provoquer une leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP). « Une sérologie doit être réalisée régulièrement, et elle ne peut être faite qu'à l'hôpital. C'est pourquoi nous alternons HAD et hospitalisation classique nous permettant de réaliser cette sérologie », indique la Dr Bensa.
Un intérêt pour les patients encore peu handicapés
La HAD n'est pas non plus une sinécure logistique, comme en témoigne la neurologue. « Cela nous demande pas mal de temps en coordination avec les infirmiers, reconnaît-elle. Ils nous posent beaucoup de questions. Si le patient souffre d'une infection, par exemple, ils ne savent pas toujours s'il est prudent de faire la perfusion. »
Du fait de sa genèse au plus fort de la crise Covid, les médecins de la Fondation Rothschild ont privilégié les patients les plus à risque de faire une forme grave d'infection par le Sars-CoV-2 - les plus âgés et les plus handicapés - ainsi que les patients les plus éloignés. Pour autant, ces critères ne sont pas représentatifs des populations qui pourraient le plus bénéficier de la HAD. « Ce traitement fonctionne bien sur les formes rémittentes et les patients peu handicapés que l'on doit traiter si l'on ne veut pas que la maladie évolue, explique le Pr Laplaud. Or, chez ces patients qui peuvent avoir une activité professionnelle, la HAD est une bonne option. »
Une étude pour évaluer les risques
Qui dit nouvelle pratique dit évaluation du rapport bénéfice/risque. C'est pour cela qu'à Nantes, le Pr Laplaud a lancé un protocole visant à comparer la sécurité de l'administration du natalizumab à domicile à celle à l'hôpital. À ce jour, un peu plus de 110 patients ont été recrutés, sur un objectif de 300. « Nous ne recrutons que des patients qui étaient déjà traités à l'hôpital depuis au moins deux ans pour avoir un point de comparaison », indique le Pr Laplaud.
Les chercheurs vont questionner la survenue d'effets secondaires, ainsi que la perception du patient de manière prospective sur les 12 premiers mois de la HAD. Ces données seront comparées à celles obtenues rétrospectivement sur les 12 mois qui ont précédé la HAD. Cela représente trois perfusions hospitalières de natalizumab et dix à domicile. Ils regarderont aussi l'effet des deux protocoles de prise en charge sur la progression clinique et radiologique de la maladie. Un entretien qualitatif sera réalisé avec un sous-groupe de 15 patients et une étude médico-économique est également au programme.
La téléconsultation, un outil complémentaire
Autre phénomène qui a pris de l'ampleur avec l'épidémie de Covid : la téléconsultation. « Nous l'avions mise en place en mars 2020, mais nous l'avons pérennisée depuis », explique la Dr Bensa. La téléconsultation est notamment employée dans le cadre du programme d'éducation thérapeutique commencé en 2013, qui comprend des séances de groupes sur les traitements, la fatigue, le travail, les voyages, les risques psychosociaux et l'estime de soi.
La visioconférence a ses avantages et ses inconvénients : « D'un côté, on perd toute la dimension paraverbale et les échanges informels, et certaines personnes se déconnectent au milieu des séances ou ont des problèmes de réseau, énumère la Dr Bensa. Mais dans le même temps, nous touchons maintenant un nouveau public, comme des personnes peu disponibles car en activité professionnelle, ou éloignées géographiquement. » Pour combiner le meilleur des deux mondes, les médecins de la Fondation Rothschild vont faire cohabiter séances en présentiel et en visioconférence.
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