Si le secteur du BTP représente 9 % des salariés affiliés au régime général, il enregistre 14 % des accidents du travail et 16 % des maladies professionnelles reconnues, tous secteurs confondus, d'après des données de la Cnam de 2018. Des chiffres en légère baisse depuis 2019 (-0,3 % pour les accidents du travail et -3 % pour les maladies professionnelles) mais qui peuvent encore être améliorés via une prévention primaire renforcée.
Par ailleurs, le risque chimique est omniprésent dans la construction. Amiante, plomb, acides résines, solvants, silice cristalline… sont autant d’agents toxiques auxquels les professionnels du BTP sont exposés. Et les conséquences peuvent être lourdes sur la santé. « Les cancers professionnels représentent 5 à 10 % des cancers », explique le Dr Michel Cambrellin, membre du comité scientifique, médecin du travail pour la SRAS BTP et président du Groupement national multidisciplinaire de santé au travail (GNMST) BTP.
C’est pourquoi le congrès, organisé par l’Association des services de santé au travail (AST) BTP 13 du 31 mai au 2 juin, a choisi pour thématique « Biométrologie, traçabilité, prévention en milieu confiné ».
Le sujet, jugé sous-évalué, visait à « mieux identifier et mettre en place toutes les mesures de prévention possibles », explique Marie Willemot, responsable Communication et Qualité pour l’AST BTP 13. Et notamment de permettre aux médecins du travail de mieux appréhender les référentiels, bases de données, méthodes de traçabilité des risques sanitaires pour un suivi adapté des salariés. Pour cela, 30 thèmes étaient au programme.
Une prévention nationale
Il s’agit d’appliquer une prévention collective et de donner les bons outils aux médecins du travail pour évaluer l’exposition aux risques des salariés. « Le sujet est technique, et la surveillance biologique pas simple. Il faut dresser un état des lieux du risque, définir ce que l’on doit doser et les bons indicateurs en fonction des toxiques. La biométrologie a la particularité de rendre compte de toutes les voies de pénétrations des toxiques. La métrologie, l’évaluation des gaz et poussières, nous renseigne, elle, sur leur concentration dans l’air. L’ensemble permet de rendre compte des possibilités de pénétration respiratoire et au toucher, les surfaces étant aussi sources d’exposition », explique le Dr Cambrellin. « Les conditions météorologiques aussi modifient les expositions et par conséquent la pénétration des agents chimiques », précise-t-il encore. En effet, qui dit milieu confiné, ne signifie pas clos. Et c’est sans compter sur le respect des conditions de prélèvements en laboratoire.
Bien entendu, l’âge et l’état de santé du salarié sont d’autres paramètres à considérer, tout comme le type de travaux effectués. Un point crucial quand on sait que 90 % des entreprises du secteur sont des très petites entreprises (TPE), avec des professionnels souvent polyvalents. « Un maçon, par exemple, peut intervenir sur du gros œuvre, du tronçonnage de béton, du placo… Il faut donc dresser un état des lieux de ses activités et évaluer le risque d’après le temps d’exposition », ajoute Michel Cambrellin.
Quid de la réglementation ?
Et c’est là que la loi santé du 2 août 2021, entrée en vigueur le 16 mars 2022, vient renforcer le suivi du salarié auprès du médecin du travail et des équipes pluridisciplinaires. Ainsi, elle prévoit qu’à compter du 1er janvier 2024, certains éléments du dossier médical en santé au travail (DMST) pourront alimenter le dossier médical partagé (DMP), « sous réserve du consentement du travailleur préalablement informé ».
En outre, des décrets d’application sont parus au Journal officiel les 18 et 20 mars 2022. Ainsi, pour le salarié, le décret du 16 mars fixe la mise en place d’une visite de fin de carrière, d’une visite post-exposition à la sortie de l’entreprise et d’une visite de mi-carrière à 45 ans. Pour les entreprises, le décret du 18 mars 2022 précise les règles d'élaboration, de mise à jour, de conservation et de mise à disposition du Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Il modifie également les modalités relatives à l'évaluation des risques chimiques pour prendre en compte les situations de poly-expositions à plusieurs agents chimiques et permettre une meilleure traçabilité. Il précise les modalités de prise en charge de la formation nécessaire à l'exercice des missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) pour les entreprises de moins de cinquante salariés par l'opérateur de compétences.
Enfin, le DUERP doit être communiqué au Service public territorial de santé (SPTS) et conservé 40 ans. Sa mise à disposition pour les anciens travailleurs est également élargie.
Des avancées réglementaires notables, même s’il reste à mettre en place « une collaboration plus étroite entre les médecins traitants et les services de santé au travail », conclut le Dr Michel Cambrellin.
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