Alors que l’implication des papillomavirus (HPV) oncogènes (O), en particulier du HPV 16, dans les infections et la genèse de lésions précancéreuses et cancéreuses au niveau anogénital est connue depuis longtemps, leur rôle dans certains cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS), amygdales et base de la langue surtout, est de reconnaissance plus récente. « Ce n’est qu’en 2009 que l’Organisation mondiale de la santé a souligné le lien entre les HPV-O et les cancers des VADS », rappelle le Pr Haitham Mirghani (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
En France, on estime qu’aujourd’hui 30 à 40 % des 3 000 à 4 000 cas de cancers oropharyngés (COP) annuels sont liés aux HPV-O. « Or, les cancers des VADS ont traditionnellement été associés à la consommation excessive de tabac et d’alcool », souligne le Pr Mirghani. Il est ainsi relativement difficile aujourd’hui de faire accepter, y compris au sein de la communauté médicale, qu’il puisse y avoir un autre facteur de risque et que les cancers des VADS peuvent toucher des patients ne répondant pas au profil classique. De ce fait, il y a fréquemment une certaine errance diagnostique. Des patients se plaignant d’une gêne pharyngée sont traités pendant des semaines ou des mois par des antibiotiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens et d’autres, atteints d’une tuméfaction cervicale, sont opérés à tort pour un prétendu « kyste congénital » du cou (les kystes congénitaux sont habituellement diagnostiqués chez des enfants ou des adultes jeunes. Après 40 ans, ce diagnostic est très improbable). Pour éviter tout retard au diagnostic, ces situations cliniques (gêne pharyngée persistante, masse cervicale chez l’adulte) doivent donc absolument conduire à évoquer un COP et à réaliser un examen ORL attentif et des examens complémentaires adaptés.
Proposer un traitement personnalisé
Ces cancers HPV induits sont de meilleur pronostic que ceux associés à l’alcoolo-tabagisme, le risque de décès étant réduit de 50 %. Cela fait poser la question de la toxicité des traitements utilisés, qui peuvent entraîner des séquelles parfois très invalidantes (douleurs chroniques, ostéoradionécrose mandibulaire et surtout trouble de la déglutition). « Proposer un traitement personnalisé, en distinguant les cancers liés à l’alcool et au tabac de ceux liés au HPV est l’un des grands défis des recherches actuelles », rapporte le Pr Mirghani.
Tout un pan de recherche s’ouvre aussi avec la prévention par la vaccination. Cette dernière a fait la preuve de son efficacité pour réduire le risque d’infection à HPV et de lésions précancéreuses au niveau anogénital. La vaccination prophylactique n’a pas, à ce jour, d’autorisation de mise sur le marché pour lutter contre les cancers des VADS causés par les HPV-O. Mais nous disposons d’arguments indirects qui laissent penser qu’elle pourrait être également efficace au niveau des VADS. Ainsi la prévalence de l’infection orale à HPV est significativement plus faible chez les individus vaccinés par rapport aux non-vaccinés. D’autre part, en Australie, pays où la couverture vaccinale est très élevée (environ 80 %), l’incidence de la papillomatose laryngée juvénile (maladie rare mais extrêmement invalidante liée aux HPV 6 et 11) est en diminution.
La prochaine extension de la vaccination en France chez les garçons va dans le bon sens car elle devrait se traduire par une augmentation de la couverture vaccinale globale, qui est actuellement très faible (20-25 %).
Entretien avec le Pr Haitham Mirghani (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
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