« Les femmes sont largement sous-traitées. Quand une patiente présente des douleurs dans la fesse ou la jambe par exemple, on pense trop souvent à la sciatique et, très peu, à une éventuelle artériopathie entraînant une claudication fessière. Or, l'artérite n'est pas qu'une maladie d'homme ! », souligne la Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille, co-fondatrice du fonds de dotation Agir pour le cœur des femmes.
En matière de traitement et de prise en charge, les préjugés restent prégnants. « Une femme qui sort des soins intensifs en cardiologie ne bénéficie pas de la même ordonnance qu'un homme ! Celle-ci comporte, certes, des anti-agrégants plaquettaires mais elle ne prévoit pas les statines aux bonnes doses, ni les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. De même, la rééducation lui est moins souvent proposée », déplore-t-elle. Autre élément inquiétant : l'appel du Samu est encore trop tardif chez les femmes. En conséquence, la mortalité par infarctus du myocarde (IDM) à 30 jours et à un an est deux fois plus importante chez une femme que chez un homme.
Des facteurs de risque classiques…
Si l'on ne peut agir sur certains facteurs de risque cardiovasculaire tels que l'hérédité ou l'âge, d'autres sont modifiables. « Et dans huit cas sur 10, on peut éviter d’entrer dans la maladie avec une bonne hygiène de vie », insiste Thierry Drilhon, cofondateur d’Agir pour le Cœur des femmes et dirigeant d’entreprises. Faire de l'activité physique, bien dormir, avoir des relations sexuelles régulières…
L’impact du mode de vie est plus important sur les artères féminines que sur celles des hommes. « Les comportements délétères (sédentarité, manque d'activité physique, charge mentale…) affecteront davantage les femmes d'un point de vue cardiovasculaire », note Thierry Drilhon. Après 45 ans, 80 % des femmes ont au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire : alimentation déséquilibrée, tabagisme, hypertension, obésité… Le stress, troisième facteur de risque d’IDM, est aussi plus délétère chez la femme. Le stress aigu - adaptation physiologique face à un danger - engendre la sécrétion d'hormones (catécholamines, notamment) pouvant entraîner des troubles du rythme graves causant une mort subite chez les personnes ayant une vulnérabilité cardiovasculaire, ainsi que des décrochages de plaques d'athéromes, des accidents vasculaires cérébraux et coronaires. « Les artères des femmes sont très innervées, ce qui peut déclencher des spasmes coronaires, notamment chez les migraineuses et celles dont les mains blanchissent au froid (maladie de Raynaud) », précise la Pr Claire Mounier-Véhier. Le stress chronique contribue, via la sécrétion de cortisol, à la formation de plaques de cholestérol, à l'insulinorésistance et aux maladies athéromateuses. « Le stress aigu complète l'action du stress chronique en favorisant la formation de caillots », ajoute-t-elle.
… Aux facteurs de risque émergents
La prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires devraient être pluridisciplinaires et transversales pour une santé optimale des femmes. « Nous devons, par exemple, former davantage les radiologues au repérage des calcifications des artères du sein lors d'une mammographie. Cela leur permettrait d’aiguiller les patientes vers un cardiologue, si nécessaire », indique la spécialiste. D'autres facteurs de risque cardiovasculaire devraient être repérés tels que l'insuffisance ovarienne prématurée médicale ou chirurgicale, l'endométriose, la prééclampsie (via un bilan préconceptionnel) ou le syndrome des ovaires polykystiques. « Pour ces femmes-là, un suivi cardiovasculaire est nécessaire tous les trois à quatre ans, dès 35 ans. Par ailleurs, la migraine avec aura et celle sans aura (mais avec un risque cardiovasculaire associé) sont des contre-indications formelles aux œstrogènes de synthèse. De même, le traitement hormonal de la ménopause ne peut être prescrit aux patientes ayant des maladies cardiovasculaires et veineuses avérées, un cancer du sein ou de l'endomètre », précise-t-elle.
Peuvent fragiliser le cœur des femmes : les règles irrégulières engendrant des variations hormonales et une prise de poids ; plus de trois grossesses (y compris les fausses couches) favorisant l'insulinorésistance et la rigidité artérielle, le cancer du sein, le lupus ou encore, la polyarthrite rhumatoïde.
Enfin, l'IDM comporte des spécificités féminines. « Avant la ménopause, les plaques d'athérome sont molles : elles s'ulcèrent ou se déchirent, décrit la Pr Mounier-Véhier. Le caillot peut alors se former par érosion, au-dessus de la plaque et se dissoudre spontanément. Les symptômes sont moins nets que chez les hommes et parfois, intermittents : palpitations, essoufflements, douleurs d'allure digestive, fatigabilité à l'effort avec, dans 90 % des cas, une douleur ou une gêne thoracique inhabituelle. Les spasmes et la dissection des artères sont également très fréquents chez nos patientes ».
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