« Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de décès chez les schizophrènes, devant les décès par suicide », a rappelé le Pr Bruno Fève (hôpital St-Antoine, Paris). Elles sont à l’origine de deux-tiers des décès chez ces patients, comparativement à la moitié des décès dans la population générale. La réduction moyenne de l’espérance de vie est de 20 %, entre 20 et 35 ans aux États-Unis, ce qui est considérable.
En cause, des facteurs génétiques de susceptibilité, mais surtout des facteurs environnementaux, notamment socio-économiques (pauvreté, stress, difficultés d’accès aux soins…), addictifs, avec une prévalence très élevée du tabagisme, et le rôle propre des antipsychotiques.
On distingue les antipsychotiques typiques, dits de première génération, caractérisés par une forte affinité pour les récepteurs D2 dopaminergiques, et les antipsychotiques atypiques, dits de deuxième génération (APSG), qui ont un profil réceptoriel beaucoup plus large. Les APSG ont pour avantage leur efficacité et leur meilleure tolérance extrapyramidale, mais pour inconvénient d’être associés à un risque accru de troubles métaboliques. Toutefois, tous les APSG ne se ressemblent pas, cela avait tété bien montré dans l’étude Catie réalisée il y a une quinzaine d’années sur une cohorte de près de 1 500 patients schizophrènes (1). Après 18 mois de traitement, la proportion de patients avec un gain de poids de plus de 7 % était de 30 % sous olanzapine, de 16 % sous quétiapine, de 14 % sous rispéridone, de 12 % sous perphénazine et de 7 % sous ziprasidone. Les anomalies métaboliques semblent plus fréquentes avec l’olanzapine et la clozapine, mal connues pour la quétiapine, la rispéridone et l’amisulpride, moins fréquentes avec l’aripiprazole et la ziprasidone.
« Certaines sous-populations de patients sont particulièrement à risque, ceux naïfs de tout traitement et les enfants et adolescents », a précisé le Pr Fève.
Chez les patients schizophrènes, après ajustement de l’âge, le syndrome métabolique est de 2 à 5 fois plus fréquent que dans la population générale et la prévalence du diabète est multipliée par 5. « Deux formes de diabète sont différenciées », indique le Pr Fève. La plus fréquente, un diabète apparenté au type 2 largement tiré par le poids et, plus rare (1 à 2 patients/1 000/an), une forme apparentée au diabète de type 1, de survenue brutale dès le début du traitement (sans relation avec la prise de poids) avec un risque d’acidocétose.
Les mécanismes à l’origine de ces troubles métaboliques sont encore incomplètement élucidés. Ils sont en partie expliqués par la prise de poids, conséquence d’une augmentation de la prise alimentaire, estimée à 18 % (soit plus de 300 calories/jour) dans une étude sur des volontaires sains. La réduction de la dépense énergétique est une donnée controversée. Mais certains mécanismes directs sont aussi avancés : effets sur l’insulinosécrétion et sur la sensibilité à l’insuline ainsi que sur l’apoptose des cellules bêtapancréatiques.
« La prévention est essentielle et aujourd’hui encore largement oubliée, parce que ces patients sont souvent éloignés des structures de soins mais aussi en raison d’une stigmatisation du corps médical, estime le Pr Fève. Il faut pourtant agir sur les facteurs de risque modifiables dès le début du traitement. Près de la moitié des patients schizophrènes sont en surpoids, de 50 à 75 % fument, de 20 à 60 % sont hypertendus et 25 % ont une dyslipidémie. Dans nos recommandations de 2009, nous avions préconisé de surveiller l’IMC et le périmètre abdominal à l’instauration du traitement et un mois plus tard (2) ».
L’environnement familial et les soignants jouent bien sûr un rôle majeur dans les modifications du mode de vie. Et dans certains cas, il peut être utile d’échanger avec le psychiatre pour évaluer la possibilité d’un changement d’antipsychotique.
D’après la communication du Pr Bruno Fève, hôpital St-Antoine (Paris).
(1) Lieberman JA et al. N Engl J Med 2005;353:1209-23.
(2) Saravane D et al. L'Encéphale Volume 35, n° 4 pages 330-339 (septembre 2009)
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