LA RELATION entre diabète et cancer est complexe, explique le Dr Hsiu-Chieh Ye (université John Hopkins), d’abord parce que ces deux pathologies partagent un certain nombre de facteurs de risque prédisposant ou associés, notamment l’obésité, la sédentarité, le tabac… Plusieurs études ont montré que les diabétiques avaient un risque accru de survenue de plusieurs types de cancer, notamment de la vessie, du sein, du foie, du colon et du rectum, du pancréas, ainsi que de lymphome non hodgkinien. Il semble en revanche que le diabète soit associé à un moindre risque de cancer de la prostate.
En dehors de facteurs de risque communs, le diabète en soi augmente le risque de cancer et une relation causale semble de plus en plus probable. Les mécanismes en cause commencent en effet à être mieux compris : l’hyperinsulinémie et l’augmentation des taux circulants des insulin-like growth factors (IGF) résultant de la diminution de la sensibilité à l’insuline stimulent la prolifération cellulaire.
Un diagnostic tardif.
Le diabète, surtout si le patient est obèse, est aussi un facteur de retard au diagnostic de cancer. Plusieurs études ont ainsi montré que les femmes obèses avaient moins de mammographie et moins de frottis cervico-vaginal de dépistage que des témoins de même âge et de mêmes caractéristiques démographiques. Le risque d’avoir un diagnostic tardif est de 20 à 25 % plus élevé chez les diabétiques que chez des sujets non diabétiques. Le pronostic du diabète est également moins bon en cas de diabète. La mortalité par cancer du colon, du foie, du pancréas est plus élevée chez le diabétique, celle liée aux cancers du colon, du pancréas et du sein chez la femme diabétique. Pourquoi cet excès de mortalité ? D’abord bien entendu en raison du retard au diagnostic, mais aussi parce que les patients diabétiques ont généralement des traitements moins agressifs et, enfin, parce le diabète augmente le risque de complications, répond le Dr Ye. Les femmes jeunes qui ont un cancer du sein reçoivent moins de traitements adjuvants, les femmes plus âgées bénéficient moins de radiothérapie, précise-t-elle.
Le rôle de l’insulinothérapie controversé.
Se pose aussi la question du rôle des traitements antidiabétiques. Les médicaments qui augmentent l’insulinémie, donc les insulines, favoriseraient le risque de cancer, les insulinosensibilisateurs, metformine et les glitazones, auraient au contraire un rôle protecteur (voir encadré).
L’augmentation du risque de cancer chez les patients sous insuline glargine a été mise en évidence dans une étude observationnelle allemande publiée en juin 2009 dans Diabetologia. Des résultats qui n’ont pas été retrouvés dans trois autres études européennes et qui ont suscité de nombreux débats, en raison des biais possibles, notamment la durée du diabète, les niveaux d’HbA1c, les traitements associés…
Le lien entre cancer et insulinothérapie, s’il existe, passerait par l’hyperinsulinémie. Il pourrait être différent suivant les insulines utilisées, en fonction de leur affinité pour les récepteurs de l’IGF-1 et de leur rapidité de dissociation avec ces récepteurs : les analogues ayant une faible affinité et un taux de dissociation rapide seraient moins susceptibles d’accélérer la croissance tumorale.
Une étude danoise vient compléter les données disponibles à ce jour sur le rôle éventuel de l’insulinothérapie dans l’accroissement du risque cancéreux du diabétique. Les auteurs ont croisé les données de deux registres nationaux, celui du diabète et celui du cancer et ont ainsi comparé l’incidence du cancer chez les diabétiques par rapport aux non diabétiques et chez les diabétiques la durée du diabète lors du début de l’insulinothérapie et la durée de l’insulinothérapie sur la survenue d’un cancer. Quelque trente mille cancers ont été diagnostiqués chez des sujets diabétiques. Par rapport aux non diabétiques, le risque relatif est de 1,15, soit une augmentation de 15 %, avec des différences suivant le type de cancer, le surrisque est particulièrement élevé pour le cancer du foie, surtout chez l’homme (RR = 3,7) et pour le cancer du pancréas dans les deux sexes (RR = 3) ; on retrouve comme dans les travaux précédents une augmentation du risque de lymphomes et de cancer du rein. L’effet de l’insuline apparaît en début de traitement, avec un RR = 2 pour tous les types de cancer confondus, l’implication de l’insulinothérapie s’atténue au fil du temps, le surrisque lié au traitement baisse à 1,5 trois à quatre ans après la première prescription. L’impact du diabète sur la survenue d’un cancer diminue également à distance du diagnostic.
D’après les communications des Drs et Prs H.-C. Ye (États-Unis), J. Holly (Royaume-Uni), T. Pischon (Allemagne) et Berdix Carstensen (Danemark)
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024