« Ce n’est pas toujours évident de penser à une maladie rare, reconnaît la Pr Christine Bodemer, coordinatrice de la filière Fimarad, chef de service en dermatologie à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris, AP-HP). Le début peut être une manifestation cutanée peu spécifique dans son aspect − par exemple une éruption, en particulier chez l’enfant − et ne pas avoir valeur d’alerte auprès des généralistes et des pédiatres. Mais à chaque fois qu’il n’y a pas d’explication claire à un symptôme persistant, il faut envisager une maladie rare ».
Quand un médecin se trouve confronté à une telle situation, le bon réflexe est de se tourner vers la filière Fimarad qui coordonne les centres de référence (CRMR) et de compétence (CCMR) des maladies rares en dermatologie. « Le site internet liste les centres experts et leurs coordonnées », indique la Pr Bodemer. Les médecins peuvent prendre rendez-vous pour leur patient, voire demander un avis plus rapide en cas d’inquiétude. « Les maladies rares de la peau sont fréquemment d’origine génétique et souvent d’apparition précoce dès les premiers jours de vie, explique la Dr Nathalia Bellon, dermatologue et praticien hospitalier du centre de référence parisien, MAGEC. Plusieurs fois par mois, nous sommes contactés en urgence par des pédiatres de maternité, des parents ou des médecins. L’enfant est vu dans les jours qui suivent, voire transféré au plus tôt en service de néonatalogie pour des soins spécifiques et un diagnostic le plus rapide possible ».
Cinq centres de référence
La filière Fimarad, créée en 2016 à la suite du second plan maladies rares, a pour objectif de structurer et d’harmoniser les centres de référence et de compétence, labellisés lors du premier plan en 2004-2005. Il existe cinq centres de référence multisites pour les maladies rares de la peau : dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves (Toxibul), maladies bulleuses auto-immunes (Malibul), maladies rares de la peau et des muqueuses d’origine génétique (MAGEC Nord et Sud), neurofibromatoses.
« La filière fait le lien entre les différents centres en proposant des outils thérapeutiques et de la formation », explique la Pr Bodemer, également coordinatrice du centre de référence MAGEC Nord. Et Fimarad veille à ce que le réseau ville-hôpital puisse se structurer au mieux malgré les disparités régionales. « Au-delà des différences entre les centres de référence, certaines caisses d’Assurance-maladie assurent une prise en charge à 100 % et d’autres non », indique-t-elle.
Cinq groupes de travail ont été constitués au sein de Fimarad : formation/communication ; médico-social ; errance diagnostique ; observatoire des médicaments - les traitements symptomatiques de ces maladies rares cutanées sont le plus souvent prescrits hors AMM, l’objectif est de les répertorier et de valider leur utilité pour la Sécurité sociale afin de permettre une prise en charge ; associations de patients, « ce sont des membres et acteurs à part entière de la filière », souligne la coordinatrice.
Des centres multidisciplinaires
Les centres de compétence assurent un maillage national et prennent le relais entre les visites dans les centres de référence. « Un patient ayant une maladie rare de la peau doit venir consulter au moins une fois par an dans un centre de référence, poursuit la dermatologue. Cela permet aux équipes de soignants d’apporter toute leur expertise dans la prise en charge, mais aussi d’améliorer sans cesse leurs propres connaissances et de détecter des particularités méconnues grâce à une vraie cohorte de patients malgré la rareté d’une maladie, et ainsi améliorer la prise en charge ».
Les centres de compétence permettent d’informer, d’animer le réseau ville-hôpital dans leur propre région, et de gérer les urgences à distance, CCMR et CRMR devant travailler en étroite connexion. La fréquence des visites au centre de référence reste très variable et parfois très rapprochée. « Des hospitalisations sont nécessaires pour les formes les plus sévères, décrit la Pr Bodemer. Les soins peuvent être d’une grande spécificité, compliqués et lourds, comme dans l’épidermolyse bulleuse, où ils se font en baignoire thérapeutique dans un espace dédié pendant parfois trois à quatre heures sous morphine ».
Médecins et infirmiers spécialisés, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, psychologue, assistante sociale, diététicien…, la multidisciplinarité est la clef au sein des CRMR. « Une telle organisation demande des budgets pérennes, alors que le financement reste aléatoire, pointe la Pr Bodemer. L’ouverture de la base de données BaMaRa, qui vise à répertorier de façon exhaustive les patients suivis, n’est pas encore complète, faute en particulier de financement pour les CCMR. Sans cela, on ne pourra pas avoir une vision claire de l’épidémiologie des maladies rares en dermatologie en France ».
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