Comme chez l’adulte, on a mis en évidence chez l’enfant un lien étroit entre psoriasis et surpoids ou obésité. L’excès pondéral est associé à une plus grande sévérité du psoriasis, mais on ne sait pas si la perte de poids améliore la maladie et la sensibilité au traitement chez l’enfant.
Certaines études suggéraient un surrisque de troubles métaboliques voire d’évènements cardiovasculaires (CV) chez l’enfant, mais cela n’a pas été confirmé et il n’y a pas lieu de les rechercher systématiquement (sauf avant traitement par acitrétine).
De même, le début précoce du psoriasis n’expose pas à développer une forme plus sévère de la maladie, ni à un surrisque de développer un rhumatisme psoriasique ou des comorbidités CV ou métaboliques à l’âge adulte. Ces enfants ne sont pas plus exposés à l’échec scolaire ou professionnel ou aux addictions.
Revoir les critères de sévérité
On ne compte pas moins de 14 scores de sévérité clinique et de 16 scores de qualité de vie. Il est pourtant essentiel de préciser le stade de la maladie, alors qu’on serait tenté de passer rapidement aux biothérapies… « Le psoriasis area severity index (Pasi) est un mauvais score qui n’est ni adapté ni validé chez l’enfant, où le psoriasis est volontiers mal limité, moins inflammatoire, plus rose que rouge et en petites plaques. Le simplified psoriasis index (SPI) est plus intéressant, car il repose à la fois sur l’expérience du médecin et une autoévaluation, qui prend en compte les mots et le vécu de l’enfant », explique le Dr Emmanuel Mahé, hôpital Victor Dupouy, Argenteuil.
L’atteinte unguéale concerne 5 à 30 % des enfants. Comme chez l’adulte, elle est associée à la sévérité du psoriasis et au risque d’atteinte rhumatologique (7,9 % en cas d’atteinte unguéale vs 2,4 % sans), ce qui était connu chez l’adulte. Le rhumatisme psoriasique peut être suspecté sur l’existence de douleurs ou de raideurs articulaires, de gonflement des doigts ou des articulations. « L’échographie articulaire pourrait être demandée au moindre doute », préconise le rhumatologue.
La décision de traiter adaptée à l’âge
On peut considérer que l’ensemble des outils thérapeutiques de l’adulte peuvent être utilisés. Chez le nourrisson, on peut expliquer aux parents qu’il est possible de s’abstenir en l’absence de répercussions. Chez l’enfant plus âgé, on peut ne pas traiter, sauf s’il éprouve des difficultés de mouvements ou qu’il est en proie à des moqueries. À l’adolescence on est plus interventionniste, du fait des répercussions sur le schéma corporel et les rapports sociaux, tout en sachant distinguer ce qui relève de la dermatologie et ce qui est lié à cet âge.
Les « vieux » médicaments, pour lesquels on a l’expérience et le recul n’ont pas l’AMM chez l’enfant (plus de six ans pour l’acitrétine, de 16 pour la cyclosporine, pas pour le MTX), alors que les biothérapies sont de plus en plus nombreuses à avoir l’AMM chez l’enfant, parfois dès quatre ans. Résultat, dans près d’un tiers des cas les prescriptions sont hors AMM soit du fait de l’âge, soit en raison du type de psoriasis !
Pour les topiques, ont l’AMM le clobetasol (> 12 ans), le calcipotriol (> 6 ans), l’acide salicylique + dermocorticoïdes (> 2 ans), mais pas l’association calcipotriol + bétaméthasone.
La première étape de la prise en charge est d’expliquer parfaitement la maladie, son caractère chronique, et ce qu’on peut attendre du traitement. Les soins locaux à base de bétaméthasone sont en première ligne de traitement, en veillant au risque d’acné ou de vergetures en cas d’utilisation prolongée. La photothérapie peut être envisagée après huit ans mais elle est contraignante et le risque carcinogène n’est pas nul.
Avant de prescrire l’acitrétine ou le méthotrexate chez une jeune fille, il faut s’assurer d’une contraception efficace. Ces deux molécules augmentent le risque d’alopécie et on connaît le risque pulmonaire pour le MTX. La ciclosporine a l’intérêt d’agir rapidement, mais elle est associée à un risque rénal, carcinogène et une hyperpilosité ; la balance penche plutôt en faveur de l’acitrétine et du MTX, qui peuvent être utilisés au long cours. Ces traitements sont simples à utiliser, d’autant que les enfants ont peu de comorbidités.
En cas d’échec, on peut recourir aux biothérapies. Après l’adalimumab, l’étanercept et l’ustékinumab, le secukinumab et l’ixekizumab viennent d’obtenir l’AMM. « Pour "épargner" les traitements, on préconise de ne pas recourir trop tôt aux traitements systémiques et de proposer plutôt des traitements séquentiels », insiste la Pr Anne-Claire Burstejn (Nancy).
Session FMC 89 1 « Le psoriasis de l’enfant – Etat des lieux en 2020 »
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