La maladie à laquelle le baron Guillaume Dupuytren, chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Paris, a laissé son nom il y a près de deux siècles, avait en fait été décrite dès le XVIIe siècle, mais avec une erreur sur la structure mise en cause.
Bien qu’encore mystérieuse à bien des égards, la pathogénie de la maladie de Dupuytren s’apparente histologiquement à celle d’une dysplasie proliférative fibreuse du tissu aponévrotico-cutanéo-sous-cutané de la paume, productrice de nodules ou de brides, lesquelles sont susceptibles d’entraîner secondairement des rétractions en flexion des chaînes articulaires digitales au fil du temps, qui deviennent de plus en plus irréversibles.
Imparfaitement identifié, le désordre histopathologique initial induisant cette pathologie peut la faire assimiler à une fibromatose, avec une composante cellulaire fibroblastique parfois anormale, une composante fibreuse également anormale, et des dépôts de collagène. Les fibres élastiques peuvent également être impliquées ainsi que d’éventuels myofibroblastes.
Une épidémiologie assez bien cernée.
La maladie touche quasiment dix fois plus les hommes et son risque augmente avec l’âge. Même si elle est volontiers décrite chez les sujets de type caucasien, elle n’épargne aucune ethnie. Il semble par ailleurs exister une plus forte proportion de maladie de Dupuytren parmi les sujets diabétiques, porteurs d’une pathologie hépatique, d’une épilepsie ou d’une affection rhumatoïde, mais aucun lien génétique n’a pour lors été établi. Cependant les sujets atteints de maladie de Dupuytren sont plus souvent porteurs d’antécédents familiaux de ces comorbidités. L’alcoolisme et le tabagisme se présentent aussi comme des facteurs de risque. Aucun lien d’origine n’a pu être prouvé avec l’environnement professionnel ou traumatique, même si les traumas peuvent accélérer la progression.
Une anatomie particulièrement bien étudiée.
Si l’aponévrose palmaire est le carrefour crucial de développement de la maladie, elle n’en constitue pas pour autant la structure anatomique exclusive. Les tissus de voisinage immédiat, tels que la peau et le tissu cellulaire sous-cutané, peuvent être des acteurs passifs ou actifs de la propagation, comme dans le cadre d’une fibromatose. L’ensemble de ces éléments anatomiques forme un réseau au sein duquel se trouvent concentrées, dans un faible espace, des fibres collagènes selon un agencement très organisé, constitutif de l’aponévrose proprement dite, doublée d’une couche essentiellement formée de lobules graisseux.
La maladie atteint principalement les quatrième et cinquième rayons digitaux, avec un début en général à proximité du pli de flexion palmaire distal, et une propagation en aval, en direction des articulations métacarpo-phalangiennes puis interphalangiennes du doigt concerné, sans toutefois atteindre les interphalangiennes distales.
Une présentation clinique polymorphe.
Bénigne, bien que son évolution compromette la fonction de la main, et plus indirectement la qualité de vie du patient, la maladie de Dupuytren peut n’être portée à l’attention du praticien que de façon fortuite. En effet, il s’agit d’une affection silencieuse, non algogène, qui ne vient occasionner une gêne fonctionnelle qu’à un stade tardif, lorsque sont apparues des rétractions perturbant l’usage de la main.
Si l’avis médical est cependant sollicité à un stade précoce (nodule ou discrète dépression de la peau palmaire), le clinicien se contentera de vérifier d’absence de retentissement vers les chaînes digitales distales… Et ne prononcera pas de pronostic, l’évolution étant imprévisible même si la majorité des cas finissent par s’aggraver (souvent après plusieurs années).
Autre question sans réponse : l’atteinte éventuelle de la main controlatérale. Certains éléments de pronostic défavorables sont connus : la rapidité d’évolution, antécédents familiaux. Le message doit donc rester équilibré, raisonnablement rassurant. Aux stades peu évolués, la situation restera contrôlée de nombreux mois ou années ; à des stades plus avancés, l’évolution peut être plus rapide et laisser des séquelles rétractiles plus difficiles à corriger.
Un bilan fonctionnel préthérapeutique.
Le bilan fonctionnel initial est indispensable à la décision thérapeutique et son suivi. Une classification en cinq stades (0 à 4) rend compte des rétractions cumulées, en flexion des articulations de la chaîne digitale concernée. D’autres classifications existent.
Plusieurs objectifs thérapeutiques sont visés en parallèle : arrêter la progression ; corriger et libérer les rétractions ; débarrasser la main du maximum de tissus pathologiques. Ils seront évalués séparément. Il existe un score pour les rétractions. Les résidus de tissus pathologiques peuvent être évalués quantitativement. Puis le recul validera la qualité du résultat, selon la survenue d’une récidive ou d’une extension.
Plusieurs types de traitement sont applicables, en fonction des situations individuelles. L’intervention peut être minimaliste, en présence d’une bride rétractile unique qui peut faire l’objet d’une interruption (rupture) par manipulation combinée à une section franche, une fragilisation, ou encore à une attaque lytique de la bride. Ces gestes sont réalisés par aponévrotomie percutanée à l’aiguille, aponévrotomie sous-cutanée -aveugle ou à ciel ouvert au bistouri-, ou par injection de collagénase.
Dans une perspective chirurgicale toujours limitée, on peut aussi procéder à une aponévrectomie partielle (restreinte à la bride responsable de la rétraction). Plus radicale, l’aponévrectomie palmaire complète est réalisée avec ou sans greffe cutanée de complément. Au pire, une amputation peut être proposée. La diminution du risque des risques de récidive et d’extension semble en effet corrélée au pourcentage d’excision du tissu pathologique.
L’espoir controversé de la collagénase.
L’introduction, il y a une dizaine d’années, du traitement des rétractions de maladie de Dupuytren par collagénase de Clostridium histolyticum injectable a suscité un vif intérêt. Sur la base d’une expérience fondée sur plusieurs centaines de patients, cette technique mini-invasive a fini par trouver droit de cité parmi les options thérapeutiques proposées et a été approuvée en février 2011 par l’EMEA. Si, pour les promoteurs de la méthode (non totalement dénuée d’incidents indésirables tels la rupture d’un tendon fléchisseur), il s’agit d’un traitement à part entière, pour d’autres elle n’est guère supérieure à une aponévrotomie percutanée à l’aiguille et nécessitera de faire la preuve d’un moindre taux de récidive avant d’être validée comme traitement reconnu.
D’après la conférence d’enseignement du Dr Caroline Leclercq (Paris).
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