L'insuffisance mitrale (IM) est la deuxième valvulopathie la plus fréquente, en termes de prévalence, après le rétrécissement aortique. Si l'IM primaire résulte d'une lésion de la valve elle-même, le plus souvent d'origine dégénérative (dégénérescence myxoïde ou fibroélastique), l'IM secondaire survient en présence d'une cardiopathie dans laquelle la valve est de structure normale.
Le remodelage du ventricule gauche observé dans les dysfonctions systoliques du ventricule gauche, d'origine ischémique ou non ischémique, est à l'origine d'un défaut de coaptation des feuillets mitraux antérieur et postérieur. Les mécanismes à l'origine de la fuite sont plus précisément liés à une dilatation du ventricule gauche, à une dilatation et un aplatissement de l'anneau mitral et à un déplacement apical et latéral des muscles papillaires. L'ensemble de ces mécanismes concourent à augmenter les forces de traction exercées sur les feuillets mitraux et aboutissent in fine à une restriction de leur mouvement. L'IM secondaire est donc avant tout la conséquence valvulaire d'une maladie du myocarde et non pas une valvulopathie autonome.
Chirurgie et techniques percutanées
Les objectifs de la prise en charge des patients insuffisants cardiaques porteurs d'une IM secondaire sont de diminuer la fréquence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, d'améliorer les symptômes et la survie des patients.
L'indication chirurgicale de correction de l'insuffisance mitrale secondaire présente un haut niveau de recommandation lorsqu'il existe une indication associée de revascularisation coronaire par pontage (recommandation de classe I-C de la Société européenne de cardiologie) [1]. En revanche, lorsqu'il n'existe pas d'indication associée de pontage aortocoronaire, le rapport bénéfice risque d'une correction chirurgicale de l'IM demeure incertain (niveau de recommandation IIb-C).
Il existe un intérêt indéniable des techniques percutanées de correction de la fuite mitrale car elles sont susceptibles de traiter efficacement l'insuffisance mitrale au prix d'un risque opératoire faible dans cette population souvent porteuse de lourdes comorbidités.
Réparation bord à bord : dispositif MitraClip
Cette technique (voir figure en début d'article) reproduit par voie percutanée le point d'Alfieri qui consiste à suturer bord à bord le feuillet antérieur au feuillet postérieur au niveau de l'orifice régurgitant afin de réduire la surface de régurgitation. Les recommandations européennes préconisent l'implantation d'un MitraClip (Abbott Vascular) en cas d'IM secondaire sévère, symptomatique, avec une anatomie favorable, un risque chirurgical jugé élevé évalué par une « heart team » pluridisciplinaire, et une espérance de vie > 1 année (classe IIB). Cette recommandation se fonde sur l'étude pivot du dispositif MitraClip, l'essai EVEREST II, incluant majoritairement des patients présentant des IM primaires (2). De nombreuses études observationnelles ont confirmé par la suite des taux de complication périprocédurale particulièrement bas dans cette population fragile, avec des taux de survie en sortie d'hospitalisation de l'ordre de 98 %. Par ailleurs, ces mêmes registres ont établi une amélioration fonctionnelle chez les patients bénéficiant de l'implantation du dispositif. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a jugé que les données scientifiques s'appuyant sur une méthodologie solide étaient encore insuffisantes pour établir la place du Mitraclip dans le traitement de l'insuffisance mitrale secondaire. Cet avis explique donc l'absence de remboursement du dispositif MitraClip dans l'IM secondaire. Trois études, l'étude COAPT, l'étude RESHAPE et l'essai français MITRAFr dont les résultats sont imminents, tentent de déterminer la place du MitraClip dans le traitement de l'IM secondaire et permettront peut être de faire évoluer la position des autorités françaises de santé (3).
Techniques d'annuloplastie mitrale percutanée
Ces techniques tentent de reproduire l'annuloplastie chirurgicale qui permet de corriger la dilatation annulaire. Il existe des techniques d'annuloplastie indirecte dans lesquelles le dispositif est positionné dans le sinus coronaire. Le dispositif d'annuloplastie indirecte le plus évolué dans son développement est le système Carillon (Cardiac Dimensions). Les résultats d'essais non randomisés témoignent d'une efficacité sur la réduction de la fuite et sur l'amélioration fonctionnelle (4). Les essais randomisés sont en cours.
Il existe par ailleurs des techniques d'annuloplastie directe. Un des systèmes en cours de développement est le dispositif Cardioband mitral system (Edwards Lifesciences). Il constitue un modèle particulièrement intéressant, car reproduisant fidèlement l'annuloplastie chirurgicale. Il consiste à fixer un anneau en dacron via un abord transeptal de l'oreillette gauche sous guidage échographique. À ce jour, quelques centaines de patient dans le monde ont été traitées avec ce dispositif, avec des résultats encourageants en termes de réduction de fuite et d'amélioration fonctionnelle.
Le deuxième dispositif d'annuloplastie directe en développement est le système Mitralign (Mitralign Inc., Tewksbury, États-Unis). Ce système présente l'avantage de ne pas nécessiter de ponction transeptale et demeure guidé par échographie transœsophagienne. Le principe repose sur la mise en place de sutures au niveau de l'anneau mitral. Les premiers résultats sont en faveur d'une amélioration fonctionnelle des patients à 6 mois associée à un remodelage inverse du ventricule gauche (5).
À l’exception du MitraClip, la plupart des dispositifs sont à un stade précoce de développement clinique mais bon nombre d'entre eux ont passé avec succès l'étape des premières implantations chez l'homme. Ces dispositifs ont donc encore un nombre considérable d'étapes à franchir avant une utilisation plus large. Pour le mitraClip, les résultats des études randomisées dédiées à l'insuffisance mitrale secondaire sont particulièrement attendus. Pour les dispositifs d'annuloplastie, des études d'efficacité avec des cohortes beaucoup plus larges sont évidemment indispensables avant leur diffusion. Il reste également à évaluer la pertinence d'association de ces techniques entre elles (réparation bord à bord et annuloplastie) pour contrer spécifiquement les mécanismes qui sous tendent l'apparition de l'IM secondaire. Enfin, un grand nombre de valves prothétiques implantables par des techniques de cathétérisme en position mitrale sont en cours de développement. Leur place dans le traitement de l'IM secondaire reste à définir.
Cardiologues (CHU Toulouse)
(1) Baumgartner H, Falk V, Bax JJ et al. 2017 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J. 21 sept 2017;38(36):2739‑91
(2) Feldman T, Foster E, Glower DD, et al. Percutaneous repair or surgery for mitral regurgitation. N Engl J Med. 14 avr 2011;364(15):1395‑406
(3) Obadia J-F, Armoiry X, Iung B, et al. The MITRA-FR study: design and rationale of a randomised study of percutaneous mitral valve repair compared with optimal medical management alone for severe secondary mitral regurgitation. EuroIntervention J Eur Collab Work Group Interv Cardiol Eur Soc Cardiol. mars 2015;10(11):1354‑60
(4) Nickenig G, Hammerstingl C, Schueler R, et al. Transcatheter Mitral Annuloplasty in Chronic Functional Mitral Regurgitation: 6-Month Results With the Cardioband Percutaneous Mitral Repair System. JACC Cardiovasc Interv. 10 oct 2016;9(19):2039‑47.
(5) Nickenig G, Schueler R, Dager A, et al. Treatment of Chronic Functional Mitral Valve Regurgitation With a Percutaneous Annuloplasty System. J Am Coll Cardiol. 28 juin 2016;67(25):2927‑36
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