Responsable de 9 000 décès annuels en France, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le quatrième cancer de plus mauvais pronostic, découvert dans 75 % des cas de manière fortuite ou à l’occasion d’une complication, en même temps que la maladie chronique du foie. Dans une précédente étude de cohorte prospective (1), la Dr Charlotte Costentin (service d’hépatogastroentérologie du CHU de Grenoble) avait montré que le pronostic plus sombre des CHC liés à l’alcool était dû à un diagnostic tardif et donc une moindre accessibilité à un traitement curatif. Un second article, réalisé d’après les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), avait confirmé que la survie était inférieure chez les patients avec un CHC dû à l’alcool qu’en cas de CHC lié à l’hépatite C (2) ou à d’autres causes. Une grande hétérogénéité était observée en fonction des régions du point de vue de l’incidence, de l’accès aux traitements curatifs et de la survie (3). Finalement, peu d’informations étaient disponibles sur les déterminants du mauvais pronostic du CHC. « La problématique était de préciser si le cancer du foie lié à l’alcool était une entité homogène, avec l’existence de déterminants potentiels intervenant sur le pronostic », explique la Dr Costentin. Ainsi, elle a identifié 12 841 patients avec un CHC lié à l’alcool (89 % d’hommes, âge médian de 67 ans) dans le PMSI (2007-2013) et réalisé une approche de clusterisation non supervisée probabiliste.
Près de 70 % des CHC alcooliques et métaboliques
Une faible proportion de patients (13 %) a uniquement l’alcool comme facteur de risque du CHC. Ils constituent le groupe le plus jeune (âge médian 57 ans). Au sein des autres clusters, les facteurs de risque métaboliques sont fortement représentés, dont le diabète (40 à 50 % des patients), l’hypertension artérielle, l’obésité, les dyslipidémies et/ou le syndrome d’apnée obstructive du sommeil. Dans 68,3 % des cas, les patients ayant développé un cancer du foie lié à l’alcool comptent également au moins une comorbidité métabolique. Ces différents groupes de patients ont également des trajectoires de soins distincts et des pronostics différents. Après régression logistique multivariée, la probabilité de décès après le diagnostic du CHC est significativement différente pour les quatre clusters de CHC d’étiologie mixte (alcool et métabolique) comparativement au cluster où l’alcool uniquement est incriminé. « L’alcool est retrouvé chez 70 % des patients ayant un CHC, révèle la Dr Costentin, mais on pose le diagnostic assez tardivement. Ils passent entre les mailles du filet car on ne les questionne pas sur leur consommation d’alcool, sans s’interroger sur une éventuelle hépatopathie sous-jacente. L’alcool est un facteur de risque du CHC rarement isolé. Les facteurs de risque métaboliques constituent une opportunité de dépistage de la maladie chronique du foie ».
Les facteurs de risque métaboliques, porte d’entrée du dépistage
L’interrogatoire en soins primaires sur la surconsommation d’alcool n’est ni aisé, ni systématique. En revanche, les facteurs de risque métaboliques sont extrêmement fréquents. Le risque de développer un CHC est estimé entre 2 et 7 % par an chez les malades atteints de cirrhose. « Améliorer le pronostic du CHC lié à l’alcool passe par un diagnostic précoce avec l’identification d’une cirrhose et l’instauration du dépistage du CHC par échographie hépatique semestrielle, ajoute la Dr Costentin. Cela augmente les chances de diagnostic précoce à un stade éligible au traitement curatif (70 % versus 30 %). Des outils simples et gratuits comme le FIB-4 (score d’évaluation de la fibrose basé sur l’âge, le taux des plaquettes, d’ALAT et d’ASAT) permettent d’identifier les patients à risque de cirrhose constituée (FIB-4 > 2,67 ou dans la zone grise entre 1,30 et 2,67), justifiant des explorations complémentaires ».
(1) Costentin C. et al. Gastroenterology 2018;155:431-42
(2) Costentin C. et al. Cancer 2018;124:1964-72
(3) Costentin C. et al. Dig Dis Sci 2020 Jan;65(1):301-11
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