Cent ans après…

Les cancers restent un fléau

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Publié le 25/11/2019
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Le 14 mars 1918, lorsque Justin Godart, sous-secrétaire d'État à la Santé, fonde la Ligue franco anglo-américaine contre le cancer (qui deviendra en 1927 la Ligue française contre le cancer), cette maladie est le quatrième fléau national après la tuberculose, l'alcoolisme et la syphilis. À l’époque, environ 45 000 morts par cancer sont recensés chaque année. Un siècle plus tard, le cancer est devenu le premier fléau social.
Les patients doivent être davantage intégrés dans de véritables parcours de soins.

Les patients doivent être davantage intégrés dans de véritables parcours de soins.
Crédit photo : Phanie

Le cancer reste la première cause de mortalité dans le monde. En 2018, 392 000 nouveaux cas ont été dénombrés en France et 155 000 personnes en sont décédées. Le nombre de personnes concernées augmente du fait de l'allongement de l'espérance de vie et de la vieillesse. Mais aussi, en raison du tabagisme et sans doute, de facteurs environnementaux. Parmi eux, les perturbateurs endocriniens sont par exemple suspectés. Toutefois, la mortalité ne cesse de diminuer : aujourd'hui, 55 % des cancers sont guéris. « S'il n'est pas possible de rêver d'un monde sans cancer, il est permis d'imaginer un monde où, de plus en plus, l'immense majorité des cancers pourront être guéris », affirme le Pr Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le cancer.

D'un point de vue thérapeutique, en 100 ans, les progrès ont été considérables : amélioration des conditions de chirurgie (anesthésie et asepsie), radiothérapie dès 1902, chimiothérapie cytotoxique dès 1947… « Puis, dans les années 1990, il y a eu l'avènement des thérapies ciblées puis de l'immunothérapie qui permettent de traiter certaines tumeurs qui étaient, auparavant, totalement rebelles aux autres approches. D'autres thérapeutiques méritent également d'être davantage explorées telles que les antimétabolites les inhibiteurs de la réparation de l'ADN », détaille le Pr Kahn.

Des défis thérapeutiques et sociétaux

Pour l'avenir, l'un des grands enjeux serait d'améliorer les traitements et le pronostic des cancers rebelles : glioblastome de l'adulte et de l'enfant, cancers du pancréas, du poumon, du sein triple négatif… Cela nécessite d'augmenter les connaissances moléculaires intimes de ces tumeurs, de manière à mettre au point de nouvelles thérapies ciblées. « En général, les cancers de l'enfant sont soignés par radiothérapie, chirurgie et chimiothérapie classique. Or, ces thérapies laissent souvent des séquelles : la chimiothérapie, par exemple, peut prédisposer les enfants à faire un deuxième cancer », note le Pr Kahn.

D'autres défis attendent les chercheurs tels que le développement des immunothérapies grâce aux CAR-T cells et l'amélioration de la compréhension du micro-environnement tumoral. « Certaines tumeurs ne peuvent être soignées car elles sont compactes et solides. Les cellules cancéreuses, au sein de ces masses tumorales, sont peu accessibles : les cellules immunitaires n'arrivent pas à les atteindre. Un travail important reste à faire pour essayer de débusquer et de « réchauffer » une tumeur maligne froide (peu accessible aux traitements) située dans le tissu fibreux d'un micro-environnement peu vascularisé et ischémique », précise le Pr Kahn. Enfin, des défis sociétaux restent à relever. Les patients doivent être davantage intégrés dans de véritables parcours de soins. Et, une fois guéris, ils doivent bénéficier d'une vie sociale normale : accès aux prêts bancaires, carrière…

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin