Depuis les années 1990, le traitement et le pronostic du cancer se sont nettement améliorés, notamment grâce au dépistage précoce et à une meilleure prise en charge individualisée de cette pathologie. Mais en termes de nutrition, les progrès sont moins notables. « Aujourd’hui, le rôle du médecin reste avant tout de poser un diagnostic et de mettre en œuvre un protocole pour prendre en charge – de façon urgente – le patient atteint de cancer. Si celui-ci ne présente pas de déviance nutritionnelle évidente, le médecin ne discutera pas forcément de nutrition avec lui », regrette Philippe Pouillart, enseignant-chercheur en immuno-nutrition à l’institut polytechnique LaSalle Beauvais. Or, le statut nutritionnel a un impact sur la réussite du traitement et le pronostic du cancer, mais aussi sur la qualité de vie des patients. « Si l’intervention médicale intervient pour 50 % dans la réussite de la prise en charge des patients, une nutrition optimale et une activité adaptée comptent pour 25 % respectivement », précise-t-il.
Des aliments riches en énergie et faciles à consommer
Un projet a débuté en janvier 2010 grâce à une enquête (1) menée auprès de 160 patients suivis à l’hôpital de Beauvais. Une étude, qui a notamment montré que 32 % des malades redoutent le moment du repas et 14 % le trouvent insupportable. De fait, les traitements – chimiothérapie et radiothérapie – modifient les comportements alimentaires des patients qui rejettent certains aliments mais en recherchent d’autres tout particulièrement : c’est le cas, notamment des produits laitiers.
Pour en comprendre les raisons, l’équipe de Philippe Pouillart a mené une enquête complémentaire (2) portant sur les comportements et motivations des patients vis-à-vis des produits laitiers, leur mode de consommation et leur utilisation en cuisine. Dans ce cadre, les différents produits laitiers ont été passés à la loupe.
Les fromages frais et fromages blancs, tout d’abord, sont davantage plébiscités après les traitements (chimiothérapie, radiothérapie) qu’avant. En effet, 58 % des patients recherchent la fraîcheur et l’onctuosité apportées par ce type d’aliments, essentiellement en raison de leurs irritations de la bouche (gingivites, mucites, aphtes…) ou difficultés de déglutition. Ils éliminent alors les produits pimentés ou acides (fruits crus) et les boissons gazeuses de leur alimentation. « Les lipides présents dans les fromages frais et blancs tapissent l’intérieur de la bouche et facilitent la déglutition. Ces aliments sont également intéressants car ils apportent de l’énergie et cela, même si leur apport en protéines est plus faible que d’autres types de fromages », indique Philippe Pouillart.
Les fromages à pâte molle (camembert, brie, maroille…) sont également très appréciés des patients pour leur mâche facile. Même chose pour les yaourts crémeux et à boire faciles à consommer par des personnes qui mangent souvent en petites quantités ou lors de collations et qui présentent une capacité gustative diminuée. L’enquête le confirme : 67 % des patients préfèrent les aliments plus faciles à mâcher et à avaler. Ce qui explique que 27 % d’entre eux consomment davantage de yaourts après les traitements.
Jouer sur le goût et les odeurs
En revanche, les fromages à pâte pressée (pecorino, parmesan…) sont moins bien accueillis : leur mâche est plus difficile et leur goût est moins apprécié du fait de leur importante teneur en sel. « 43 % des patients perçoivent également un mauvais goût en bouche en lien avec le traitement, qui peut persister plusieurs semaines après l’arrêt de celui-ci. Il s’agit souvent d’un goût métallique qui les détourne de la viande rouge. Les fromages à pâte dure trouvent alors un intérêt particulier. Associés à la viande (dans les yakitori, lasagnes, hamburgers… par exemple, sous forme de gruyère râpé), ils masquent la saveur métallique de la viande qui est ainsi parfaitement acceptée », assure Philippe Pouillart.
En ce qui concerne le lait et la crème fraîche, les niveaux de consommation restent à peu près les mêmes avant et après les traitements. Les patients affirment les utiliser pour lier les ingrédients et donner de l’onctuosité. Par ailleurs, 39 % affirment avoir plus soif qu’avant et boire plus volontiers du lait entier. Mais 42 % redoutent le froid – en raison de troubles de la sensibilité de l’œsophage – et consomment les produits laitiers laissés à température ambiante quelques minutes. Enfin, 35 % ont une attirance plus marquée vers le sucré (yaourts aux fruits, desserts à base de lait, glaces…).
« Parallèlement aux enquêtes que nous avons menées, nous avons créé en 2011 des ateliers culinaires mensuels accueillant des groupes de 12 malades et leurs famille – adressés par les hôpitaux de l’Oise – pour participer à l’élaboration de recettes adaptées et échanger avec les chercheurs. Ces ateliers ont permis de tester des solutions alimentaires et culinaires adaptées aux patients traités pour un cancer. Ces derniers deviennent, notamment, très sensibles aux odeurs (nausées, vomissements). Nous leur montrons, par exemple, comment cuire un poulet rôti sans odeur. Nous travaillons au lancement d’un site Internet avec son forum de discussion et une application gratuite pour Smartphones apportant un maximum de conseils pratiques et culinaires aux patients traités pour un cancer », conclut Philippe Pouillart.
(1) Cette enquête axée sur les fréquences des effets secondaires des traitements et l’alimentation des patients atteints de cancer s’est fondée sur plus de 100 questions auxquelles 160 personnes (tous cancers confondus) ont répondu lors de leurs rendez-vous médicaux périodiques dans un service d’hospitalisation de jour. Ce travail est soutenu par le Conseil Régional, l’ARS et la DRAAF de Picardie (dans le cadre du Programme national alimentation) et le Comité de l’Oise de la Ligue contre le cancer.
(2) Cette enquête a concerné 43 patients (25 % d’hommes et 75 % de femmes) traités pour un cancer des voies aériennes ou digestives supérieures ou encore un cancer du sein, depuis 2 ans en moyenne et âgés -en moyenne- de 56 ans.
Depuis les années 1990, le traitement et le pronostic du cancer se sont nettement améliorés, notamment grâce au dépistage précoce et à une meilleure prise en charge individualisée de cette pathologie. Mais en termes de nutrition, les progrès sont moins notables. « Aujourd’hui, le rôle du médecin reste avant tout de poser un diagnostic et de mettre en œuvre un protocole pour prendre en charge – de façon urgente – le patient atteint de cancer. Si celui-ci ne présente pas de déviance nutritionnelle évidente, le médecin ne discutera pas forcément de nutrition avec lui », regrette Philippe Pouillart, enseignant-chercheur en immuno-nutrition à l’institut polytechnique LaSalle Beauvais. Or, le statut nutritionnel a un impact sur la réussite du traitement et le pronostic du cancer, mais aussi sur la qualité de vie des patients. « Si l’intervention médicale intervient pour 50 % dans la réussite de la prise en charge des patients, une nutrition optimale et une activité adaptée comptent pour 25 % respectivement », précise-t-il.
Des aliments riches en énergie et faciles à consommer
Un projet a débuté en janvier 2010 grâce à une enquête (1) menée auprès de 160 patients suivis à l’hôpital de Beauvais. Une étude, qui a notamment montré que 32 % des malades redoutent le moment du repas et 14 % le trouvent insupportable. De fait, les traitements – chimiothérapie et radiothérapie – modifient les comportements alimentaires des patients qui rejettent certains aliments mais en recherchent d’autres tout particulièrement : c’est le cas, notamment des produits laitiers.
Pour en comprendre les raisons, l’équipe de Philippe Pouillart a mené une enquête complémentaire (2) portant sur les comportements et motivations des patients vis-à-vis des produits laitiers, leur mode de consommation et leur utilisation en cuisine. Dans ce cadre, les différents produits laitiers ont été passés à la loupe.
Les fromages frais et fromages blancs, tout d’abord, sont davantage plébiscités après les traitements (chimiothérapie, radiothérapie) qu’avant. En effet, 58 % des patients recherchent la fraîcheur et l’onctuosité apportées par ce type d’aliments, essentiellement en raison de leurs irritations de la bouche (gingivites, mucites, aphtes…) ou difficultés de déglutition. Ils éliminent alors les produits pimentés ou acides (fruits crus) et les boissons gazeuses de leur alimentation. « Les lipides présents dans les fromages frais et blancs tapissent l’intérieur de la bouche et facilitent la déglutition. Ces aliments sont également intéressants car ils apportent de l’énergie et cela, même si leur apport en protéines est plus faible que d’autres types de fromages », indique Philippe Pouillart.
Les fromages à pâte molle (camembert, brie, maroille…) sont également très appréciés des patients pour leur mâche facile. Même chose pour les yaourts crémeux et à boire faciles à consommer par des personnes qui mangent souvent en petites quantités ou lors de collations et qui présentent une capacité gustative diminuée. L’enquête le confirme : 67 % des patients préfèrent les aliments plus faciles à mâcher et à avaler. Ce qui explique que 27 % d’entre eux consomment davantage de yaourts après les traitements.
Jouer sur le goût et les odeurs
En revanche, les fromages à pâte pressée (pecorino, parmesan…) sont moins bien accueillis : leur mâche est plus difficile et leur goût est moins apprécié du fait de leur importante teneur en sel. « 43 % des patients perçoivent également un mauvais goût en bouche en lien avec le traitement, qui peut persister plusieurs semaines après l’arrêt de celui-ci. Il s’agit souvent d’un goût métallique qui les détourne de la viande rouge. Les fromages à pâte dure trouvent alors un intérêt particulier. Associés à la viande (dans les yakitori, lasagnes, hamburgers… par exemple, sous forme de gruyère râpé), ils masquent la saveur métallique de la viande qui est ainsi parfaitement acceptée », assure Philippe Pouillart.
En ce qui concerne le lait et la crème fraîche, les niveaux de consommation restent à peu près les mêmes avant et après les traitements. Les patients affirment les utiliser pour lier les ingrédients et donner de l’onctuosité. Par ailleurs, 39 % affirment avoir plus soif qu’avant et boire plus volontiers du lait entier. Mais 42 % redoutent le froid – en raison de troubles de la sensibilité de l’œsophage – et consomment les produits laitiers laissés à température ambiante quelques minutes. Enfin, 35 % ont une attirance plus marquée vers le sucré (yaourts aux fruits, desserts à base de lait, glaces…).
« Parallèlement aux enquêtes que nous avons menées, nous avons créé en 2011 des ateliers culinaires mensuels accueillant des groupes de 12 malades et leurs famille – adressés par les hôpitaux de l’Oise – pour participer à l’élaboration de recettes adaptées et échanger avec les chercheurs. Ces ateliers ont permis de tester des solutions alimentaires et culinaires adaptées aux patients traités pour un cancer. Ces derniers deviennent, notamment, très sensibles aux odeurs (nausées, vomissements). Nous leur montrons, par exemple, comment cuire un poulet rôti sans odeur. Nous travaillons au lancement d’un site Internet avec son forum de discussion et une application gratuite pour Smartphones apportant un maximum de conseils pratiques et culinaires aux patients traités pour un cancer », conclut Philippe Pouillart.
(1) Cette enquête axée sur les fréquences des effets secondaires des traitements et l’alimentation des patients atteints de cancer s’est fondée sur plus de 100 questions auxquelles 160 personnes (tous cancers confondus) ont répondu lors de leurs rendez-vous médicaux périodiques dans un service d’hospitalisation de jour. Ce travail est soutenu par le Conseil Régional, l’ARS et la DRAAF de Picardie (dans le cadre du Programme national alimentation) et le Comité de l’Oise de la Ligue contre le cancer.
(2) Cette enquête a concerné 43 patients (25 % d’hommes et 75 % de femmes) traités pour un cancer des voies aériennes ou digestives supérieures ou encore un cancer du sein, depuis 2 ans en moyenne et âgés -en moyenne- de 56 ans.
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