LES PATIENTS ayant un problème avec l’alcool constituent une problématique courante : les médecins généralistes (MG) déclarent en moyenne 39 patients en file active (suivis actuellement en patientèle) avec des problèmes d’alcool ; les spécialistes en déclarent 51 en file active. Quelle est la place du « sujet alcool » dans les consultations ? Les MG abordent le sujet dans 22 consultations sur 100 en moyenne et sur ces 22 consultations, 17 sont à l’initiative du médecin et 5 sont à l’initiative du patient. Sur les 17 consultations où le problème alcool est abordé à l’initiative du médecin, le dépistage et la prise en charge sont plus souvent l’objet de la consultation que la prévention. Quant aux spécialistes (spé), le problème est abordé dans 52 consultations sur 100 par les gastro-entérologues (GE) et 37 sur 100 par les psychiatres et les addictologues (P+A).
Prévention et dépistage ne sont pas systématiques
Il apparaît que 62 % des MG disent délivrer des messages de prévention auprès des patients qui présentent des signes évocateurs et 23 % de façon systématique à tous les patients. Ce qui suggère plutôt une prévention ciblée secondaire qu’une prévention primaire. Ces chiffres sont de 67 % et 30 % chez les spé.
Pour ce qui concerne le dépistage, la majorité des MG (88 %) et des spé (84 %) déclarent dépister un problème d’alcool suite à des signes cliniques évocateurs ; respectivement 84 % et 83 % en questionnant sur le mode de vie ; 74 % et 56 % parce que le patient l’a évoqué lui-même ; 67 % et 41 % par l’alerte d’un membre de l’entourage.
Un autre aspect du processus de dépistage est qu’il a lieu : d’un côté, à la suite de problèmes physiologiques (96 % des MG, 98 % des GE, 71 % des P+A), dont la découverte fortuite d’une anomalie biologique (83 % des MG, 89 % des GE, 45 % des P+A ) ; de l’autre, en raison de problèmes psychologiques (82 % pour les MG, 99 % pour les P+A mais seulement 35 % des GE). Pour les MG, il s’agit notamment de troubles anxiodépressifs, irritabilité/agressivité, de problèmes au travail et de difficultés conjugales. Pour les P+A, dépression et troubles anxieux arrivent nettement en tête (81 %) devant irritabilité et agressivité (60 %).
Un MG sur deux (55 %) interroge « fréquemment » ses patients sur leur consommation d’alcool et 41 % les interrogent « parfois ». Ces chiffres sont de 83 % et 17 % chez les spé. Leurs investigations concernent principalement le niveau de consommation (quantités, fréquences et types de boissons), alors que pour un médecin généraliste sur deux, les investigations sont moins courantes sur le contexte (53 %) et les raisons (56 %) de cette consommation excessive d’alcool.
Par ailleurs, la majorité des médecins demandent des examens biologiques, notamment en moyenne un dosage des gamma GT (63 % des MG, 57 % des GE, 62 % des P+A), la mesure du VGM (23 %, 28 %, 17 %) et un dosage de la CDT (11 %, 10 %, 16 %) pour compléter leur diagnostic.
Une prise en charge assumée dans deux tiers des cas
Côté prise en charge des patients alcoolodépendants, un tiers des MG n’assure pas cette prise en charge : ils passent la main à un autre professionnel de santé (98 %) et recourent beaucoup moins souvent à l’hospitalisation (12 %).
En revanche, deux tiers des MG déclarent prendre en charge eux-mêmes les patients alcoolodépendants avec les modalités suivantes de prise en charge : 87 % proposent des consultations régulières ; 80 % prescrivent des médicaments ; 62 % conseillent l’entraide d’associations de patients et 55 % l’aide d’un psychologue. Les chiffres sont du même ordre pour le spé.
Parmi les médecins qui prescrivent des médicaments, la majorité citent les benzodiazépines (73 % des MG, 80 % des P+A) et les antidépresseurs (61 % des MG, 80 % des P+A) comme traitements les plus prescrits ; puis viennent le baclofène (59 % des MG, 63 % des GE et 55 % des P+A), la naltrexone (38 % des MG), le disulfirame (31 % des MG). Le baclofène est prescrit en renouvellement d’une ordonnance par 15 % des MG (6 % des spécialistes) ; à la demande du patient par 11 % des MG (15 % des spécialistes).
Compte tenu des enjeux de la prise en charge de l’alcoolodépendance, un élément important concerne le ressenti des médecins : 57 % de MG et 46 % des spécialistes déclarent se sentir démunis face au patient alcoolodépendant.
Une bonne perception des facteurs de risque
Concernant le niveau d’information des médecins généralistes sur la prévention et la prise en charge, ils semblent majoritairement bien informés (95 %) sur les risques liés à la consommation excessive d’alcool et sur les facteurs de risque classiques : autres problèmes d’addiction (73 %), troubles psychiatriques (68 %), difficultés au travail (67 %), problèmes familiaux (66 %). En outre, 77 % ont le sentiment d’être bien informés par rapport au dépistage, 63 % par rapport à la prévention et 59 % par rapport à la prise en charge.
Les attentes des médecins généralistes qui se déclarent démunis face à un patient présentant des signes de dépendance à l’alcool concernent principalement de la formation en addictologie (76 % des MG et 60 des spécialistes), mais aussi des médicaments plus efficaces (55 % des MG et 61 % des spécialistes), de la formation en psychologie (45 % des MG et 27 % des spécialistes) et des informations sur les médicaments existants (31 % des MG et 16 % des spécialistes). Enfin, parmi les attentes des médecins généralistes en termes de moyens, on peut noter le souhait de réunions entre confrères (14 MG sur les 31 ayant déclarés ne pas avoir les moyens nécessaires) et de sites Internet spécialisés dédiés aux médecins (11 MG sur les 31 ayant déclaré ne pas avoir les moyens nécessaires).
* Enquête Ipsos Public Affairs menée avec un questionnaire de 10 minutes auprès de 103 médecins généralistes et 102 spécialistes (50 gastro-entérologues, 26 psychiatres et 26 addictologues) exposés à la problématique alcool (prenant en charge au moins 7 patients souffrant d’addiction à l’alcool).
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