Seulement la moitié des femmes fumeuses arrivent à arrêter seules de fumer pendant la grossesse. Le recours aux thérapies de substitution nicotinique est peu efficace, comme l’a souligné une revue Cochrane publiée l’an dernier. Comment aider les femmes, sans induire d’effets indésirables ? C’est sur la base de quelques données expérimentales que l’idée du recours à une récompense financière est née. « Quelques études d’imagerie ont montré que la récompense financière stimule les mêmes circuits cérébraux que les drogues ou les récompenses physiologiques comme la nourriture ; cette approche a été proposée dans le traitement de l’obésité », rapporte le Dr Ivan Berlin, qui a coordonné l’étude Fiscp (Financial incentives for smoking cessation in pregnancy), dont les résultats sont présentés à l’occasion de ce congrès de la Société française de tabacologie.
Une valeur croissante avec la durée
Cette étude, à laquelle ont participé plus d’une quinzaine de maternités en France, a inclus 460 femmes enceintes majeures, fumant cinq cigarettes ou plus par jour, désireuses d’arrêter de fumer mais n’y parvenant pas. Toutes se sont vues proposer six consultations au cours de la grossesse, programmées à la maternité en même temps que le suivi obstétrical, et ont été randomisées en deux groupes : un groupe témoin de femmes recevant un bon d’achat de 20 euros lorsqu’elles se présentaient à la consultation de suivi de l’étude et un groupe intervention, où, en plus de ce bon d’achat de 20 euros, les femmes qui avaient été abstinentes (mesure de monoxyde de carbone dans l’air expiré et déclaration de ne pas avoir fumé les 7 derniers jours) recevaient un autre bon d’achat, dont la valeur augmentait au fil du temps avec la durée de l’abstinence (20 euros, puis 40, puis 80). « L’objectif de l’étude était d’obtenir une abstinence continue, la seule à même d’avoir un bénéfice sur les paramètres fœtaux et obstétricaux », indique le Dr Berlin.
Un bénéfice sur les nouveau-nés
Les résultats sont très positifs, puisque le taux d’abstinence continue a été de 16,4 % dans le groupe intervention, comparativement à 7,4 % dans le groupe témoin. La récompense financière de l’abstinence a également permis de multiplier par 4 le taux d’abstinence ponctuelle (40 % versus 10 %).
La proportion de nouveau-nés ayant une mauvaise issue néonatale a été de 6,6 % moindre dans le groupe intervention et il y a en a eu davantage dont le poids de naissance était supérieur à 2 500 g chez les femmes ayant bénéficié d’une récompense financière progressive de l’abstinence continue.
De façon très intéressante, les femmes du groupe intervention avaient moins envie de fumer que celles du groupe témoin.
D’après une enquête téléphonique réalisée 6 mois après l’accouchement, les bénéfices de cette intervention semblent perdurer à plus long terme, mais les résultats à la limite de la significativité sont d’interprétation difficile en raison du nombre élevé de perdues de vue.
Aucun effet indésirable des bons d’achat n’a été rapporté.
Ces données ouvrent ainsi une piste prometteuse pour réduire le taux de tabagisme chez les femmes enceintes. Des analyses secondaires, tenant compte de différents paramètres, notamment socio-économiques, permettront de mieux préciser le profil de femmes susceptibles de bénéficier le plus de cette approche. Une analyse coût-efficacité (à court et long terme) est également mise en route pour apprécier l’impact médicoéconomique de cette approche inédite.
Entretien avec le Dr Ivan Berlin (AP-HP), coordonnateur de l’étude
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