« La Corse s’asphyxie », déplore le Dr Marwan Tannous. Selon les dernières données de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), qui datent de 2018, 38 % des jeunes de 17 ans habitant en Corse fument quotidiennement. « Soit bien plus que la moyenne nationale, qui est de 32 %, ce qui place la Corse en deuxième position juste derrière la Bretagne », souligne le Dr Tannous. La Corse est, avec la Normandie, la seule région où le tabagisme n’a pas baissé. Les jeunes ne sont pas les seuls concernés. Le nombre de femmes fumeuses a augmenté de 450 % entre 1980 et 2005, de nombreuses femmes enceintes continuent de fumer et on observe une surincidence du cancer bronchopulmonaire de 36 % par rapport à la moyenne de la France métropolitaine chez les femmes, selon un rapport publié l’an dernier par l’Agence régionale de santé. « En Corse, le tabac est responsable de 39 % des décès prématurés par tumeurs chez les hommes et de 20 % chez les femmes, poursuit le Dr Tannous. Si l’on peut se réjouir du moindre taux de fumeurs de cannabis chez les jeunes de 17 ans (6 vs. 9 % pour la moyenne nationale), on ne peut que s’inquiéter face à ce tabagisme qui ne baisse pas. Pourtant, avec deux Centres de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), plusieurs consultations dédiées et le travail des associations, les infrastructures de prévention et de prise en charge existent, même s’il faut beaucoup s’investir pour toucher l’ensemble de la population, notamment en zones rurales. »
Les raisons de cette surconsommation de tabac en Corse ne sont pas totalement connues, mais certaines hypothèses peuvent être avancées, comme le taux élevé de buralistes sur l’île. « Alors qu’en France métropolitaine, la loi impose de limiter le nombre de débits de tabac à un pour 3 500 habitants, ce taux est plus de deux fois plus élevé en Corse (un débit pour 1 500 habitants), sans doute en partie du fait du grand nombre de zones montagneuses isolées, rapporte le Dr Tannous. Autre explication possible : la plus faible taxation des produits du tabac, qui sont globalement vendus 25 % moins cher qu’en France métropolitaine ».
« Une prise de conscience est donc nécessaire et nous attendons beaucoup des résultats d’une vaste étude épidémiologique qui devrait débuter l’an prochain et concerner l’ensemble du territoire français, Corse et DOM-TOM compris », conclut le Dr Marwan Tannous.
Entretien avec le Dr Marwan Tannous, addictologue, CH Castelluccio, Ajaccio et Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) Corse.
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