Ce que réclament les syndicats pour ce Ségur

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Publié le 11/06/2020
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À quoi ressemblerait un Ségur de la santé réussi pour la médecine générale ? Le Généraliste a posé la question aux Drs Jacques Battistoni (MG France), Jean-Paul Hamon (FMF), Luc Duquesnel (Les Généralistes-CSMF) et Philippe Vermesch (SML).

Revalorisations

Si le Ségur de la Santé ne pourra pas acter directement l’augmentation du tarif de certains actes, le Dr Battistoni souhaite « négocier des avancées significatives » pour la médecine générale à l’issue de celui-ci. La priorité de son syndicat est la revalorisation à 70 euros de la visite à domicile pour les patients dépendants. « Les généralistes s’en détournent logiquement car son tarif actuel est trop faible par rapport à sa complexité et au temps qu’elle nécessite. Nous en parlons depuis longtemps avec la Cnam. Il n’y a pas de désaccord de principe mais cela nécessite des moyens financiers », souligne-t-il. Le Ségur doit donc prévoir l’ouverture d’une négociation conventionnelle, avec un « financement correspondant », selon le Dr Battistoni.

L’ouverture d’une négociation serait aussi l’occasion de revoir le montant du forfait structure (3 661 euros par généraliste en moyenne en 2019). « Il devrait être d’au moins 50 000 euros, se prend à rêver le Dr Hamon. En échange, les médecins s’engageraient à prendre en charge les soins non programmés, feraient de la maîtrise de stage et participeraient à la formation médicale continue. »

Le Dr Vermesch plaide, lui, pour une nette hausse du tarif de la consultation. « Avec 45 euros minimum, le médecin verrait un peu moins de patients mais dans de meilleures conditions et en leur accordant plus de temps. On sait très bien que si la consultation est plus longue, il y aura une meilleure observance, une meilleure explication », plaide-t-il.

Relation ville-hôpital

« L’hôpital ne doit plus faire ce qui peut être fait en ville, martèle le Dr Hamon. Il faut arrêter les consultations et la surveillance de maladies chroniques à l’hôpital. » Et le président de la FMF de citer « l’exemple frappant » des écoles de l’asthme : « Vous mobilisez infirmières, médecins, pneumologues alors que ce personnel serait bien plus utile dans les services, et que nous pouvons faire cela très simplement en ville. » « Il faut travailler sur le lien ville-hôpital, c’est-à-dire que l’hôpital n’ait pas la prétention comme on le voit parfois d’assurer le suivi des pathologies chroniques des patients qui sont chez eux », appuie le Dr Duquesnel. De son côté, le Dr Battistoni prévient qu’il est « hors de question de donner plus de moyens à l’hôpital pour faire notre travail à notre place ».

Prise en charge des soins non programmés

Sur ce point, les syndicats de médecins libéraux réclament à l’unisson et de longue date la mise en place du 116 117, régulé par des médecins libéraux, comme numéro national de la permanence des soins, distinct du numéro réservé aux urgences. « C’est la première étape de la régulation de l’accès aux urgences, affirme le Dr Hamon. Avec cela, les urgences hospitalières auront les moyens de prendre en charge ce pour quoi elles sont faites : les véritables urgences. »

Alors que dans un rapport rendu fin 2019, le député urgentiste Thomas Mesnier et le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière, préconisaient l’instauration du 113 comme numéro unique pour les urgences, le ministère n’a toujours pas tranché et assure que la question sera discutée lors de ce Ségur.

Exercice coordonné

Libérés des carcans administratifs au cours des trois derniers mois en raison du Covid-19, les médecins libéraux ont fait preuve d’inventivité et de créativité pour s’organiser sur les territoires. Ce Ségur doit donc permettre de favoriser l’exercice coordonné en levant certains freins et en y consacrant davantage de moyens, selon Les Généralistes-CSMF et MG France. « Il faut absolument favoriser l’exercice en équipe de soins primaires (ESP) et le financer, affirme le Dr Duquesnel. Le directeur général de l’Assurance maladie, Nicolas Revel, avait dit que ce serait fait dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel sur les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), mais tout s’est arrêté. » « Il faut aller au-delà des conventions qui existent aujourd’hui, qui se limitent aux maisons de santé et aux CPTS. Il faut les enrichir », plaide le patron des Généralistes-CSMF. Les Drs Hamon et Vermesch souhaitent eux aussi que l’État mise davantage sur les infirmiers libéraux. « Il faut recentrer la médecine ambulatoire sur le triptyque médecin-pharmacien-infirmier », souligne ainsi le président du SML.

« On s’est rendu compte pendant la crise que les CPTS auraient été extrêmement utiles si elles avaient pu être présentes partout, observe quant à lui le Dr Battistoni. Les moyens qui ont été mis pour ces CPTS (…) sont insuffisants pour leur permettre de fonctionner de façon efficace. Il faut donc une dotation supplémentaire, notamment pour la coordination, et des fonctions supports. » « Pour l’instant, on ne peut pas indemniser un porteur de projets, qui les rédige et les négocie avec l’ARS, et en même temps rémunérer les professionnels participant à l’administration de cette CPTS. On ne peut pas être obligé de choisir, sinon l’attelage est bancal », explique le président de MG France.

Outre la question du financement de ces organisations, il sera également nécessaire de simplifier et d’harmoniser les procédures administratives. Ce à quoi l’avenue de Ségur semble ouverte.


Source : lequotidiendumedecin.fr