LE QUOTIDIEN : Lors des missions de coopération en Ukraine, comment gérez-vous le risque sur place ?
Pr ROMAN KHONSARI : Quand les sirènes retentissent, c'est forcément compliqué. On peut toujours, dans ma spécialité, arrêter trois heures. Ce n'est pas de la chirurgie cardiaque. Les équipes décident avant chaque intervention de ce qu’elles feront en cas d’alerte, cela fait partie de la check-list, on s’engage collectivement… C'est arrivé au moins une fois à tous mes collègues qui travaillent en Ukraine. Quand l'hôpital pédiatrique de Kiev a été bombardé cet été, l’un de mes collègues est mort et deux ont été blessés.
Quelles sont les conditions d’une mission réussie ?
On doit avoir un relais sur place, avoir eu la famille du patient en visioconférence, examiné le cas, reçu toutes les radios, etc. On doit sélectionner les « bons patients » afin de ne jamais se lancer dans des choses un peu dangereuses ou risquées d’un point de vue médical. On ne gère pas en zone de guerre les potentielles complications de la même manière. Certes nous avons réalisé en Ukraine l'intervention la plus compliquée de mon domaine, une avancée fronto-faciale monobloc, qui présente un risque vital avoisinant les 2 %. Et tout s'est très bien passé. Mais ce n’est pas possible partout.
Cela fait partie de mes missions de diffuser le plus largement possible des techniques que j'ai eu la chance d'apprendre auprès des plus grands spécialistes
En quoi ces missions vous semblent-elles évidentes ?
L’hôpital Necker possède l’un des centres de chirurgie crânio-faciale le plus connu au monde. C'est là que la discipline a été créée, et la plupart des chirurgiens qui exercent aujourd'hui dans cette spécialité sont, d'une manière ou d'une autre, passés par Necker. Cela fait partie de mes missions de diffuser le plus largement possible des techniques que j'ai eu la chance d'apprendre auprès des plus grands spécialistes. Après, les engagements sur le terrain sont souvent liés à des facteurs humains, une confiance et des liens particuliers.
Quelle est la place de la formation dans ces missions ?
On envisage de monter une structure pluridisciplinaire fonctionnelle à Kiev, au sein de l’hôpital pédiatrique. Malheureusement, il a été en partie détruit. Mais il est en cours de reconstruction, et je devrais y retourner d'ici la fin de l'année. On a repéré de jeunes chirurgiens qui pourraient devenir des spécialistes de cette discipline, qui était peu enseignée en Ukraine avant la guerre. C’est une spécialité qui émerge. Ces médecins vont venir se former à Paris. Les Ukrainiens vont probablement devenir les meilleurs spécialistes au monde de la chirurgie de blessés de guerre.
Comment pensez-vous l’avenir dans ces coopérations ?
Un centre a été créé à Lviv, Superhumans, qui est dédié à la prise en charge des blessés de guerre. Je m’y suis rendu avec les Prs Chloé Bertolus, cheffe de service de chirurgie maxillo-faciale (hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris) et Sylvie Testelin (CHU d'Amiens) qui avait participé à la première transplantation de visage en France. Les besoins sont immenses, nous faisons du suivi collégial, à distance, pour les cas les plus compliqués et nous avons trouvé une bourse fellowship à Londres pour une chirurgienne ukrainienne… L’Ukraine réforme en profondeur son système de santé.
Pr Roman Khonsari (Necker-Enfants malades) : « Les équipes décident avant chaque intervention de ce qu’elles feront en cas d’alerte »
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