Yannick Neuder succède donc aux (trop) nombreux (pour être tous cités) ministres de la Santé du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Il fait face à des chantiers colossaux pour notre système de santé qui, pour le coup, ressemble à s’y méprendre au Titanic… Nous avons actuellement une épidémie de grippe dont la virulence est, comme la durée en poste de nos ministres, inhabituelle. Et de saturer nos hôpitaux et nos services d’urgence qui étaient pourtant déjà à bout de souffle depuis la crise Covid (voire bien avant).
La faute aux médecins généralistes ?
Bien entendu, il y aura toujours des mauvaises langues pour dire que si les urgences sont saturées, c’est à cause de ces fainéants de médecins généralistes qui refusent de travailler seize heures par jour ou voir toujours plus de patients. Alors, oui, une partie du problème s’explique par un travail insuffisamment réalisé par les médecins généralistes français. Mais pas pour la raison à laquelle nos tutelles aimeraient nous faire croire, comme pour se dédouaner des décisions qu’elles ont prises depuis maintenant plus de vingt-cinq ans. Non, si les généralistes ne font pas assez leur travail de gestion des patients en amont des urgences, de maintien à domicile le plus longtemps possible et d’évitement autant que faire se peut des hospitalisations, c’est qu’ils ne sont, tout simplement, plus assez nombreux. Et l’on pourra crier à hue et à dia qu’ils doivent travailler davantage : à l’impossible nul n’est tenu, qui plus est depuis la crise Covid et le peu de considération que les soignants, parmi lesquels les médecins généralistes, ont reçue. Il est presque inévitable que la lassitude et l’épuisement soient venus à bout du peu d’énergie sacerdotale qu’il leur restait encore.
Il est presque inévitable que la lassitude et l’épuisement soient venus à bout du peu d’énergie sacerdotale qui restait encore aux généralistes
Pour tenter de pallier le problème, notre nouveau ministre sort de son chapeau l’idée d’une création d’« unités primaires de soins » en déclarant, à raison, qu’« on ne peut pas envisager de réforme structurelle du système hospitalier sans recréer cette offre de soins de proximité ». Il aurait sans doute été plus habile de parler d’unités de soins primaires, définition qui aurait d’emblée inclus tous les professionnels de santé médicaux et paramédicaux travaillant en ville pour la santé de la population. Car cela fait des années que nos tutelles savent qu’il faut miser sur les soins primaires et qu’elles ne le font pas ou trop peu, là où les pays d’Europe du Nord ont réalisé un investissement massif qui les a amenés, presque paradoxalement, à dépenser un point de PIB de moins que nous pour leurs politiques de santé tout en ayant de meilleurs résultats que les nôtres.
Investir dans la prévention et l’éducation à la santé
Il serait pourtant temps qu’un ministre de la Santé français arrête de miser l’intégralité de ses efforts sur la réponse aux soins non programmés et absolument rien sur la prévention et l’éducation à la santé de nos concitoyens. Actuellement, en période d’épidémie grippale, il serait par exemple pertinent que la population puisse apprendre comment distinguer les signes d’alerte qui doivent amener à consulter un médecin sans attendre (difficulté respiratoire au repos, cyanose ou altération de l’état général) de ceux qui impliquent une surveillance sans nécessité de consultation immédiate (fièvre bien tolérée, fatigue, toux). Il serait tout aussi pertinent qu’un ministre de la Santé puisse faire, à juste titre, la promotion du masque en milieux de soins sans qu’on ait à contredire ce même ministre qui, deux jours auparavant, rendait visite à ces mêmes structures de soins sans être masqué. À n’en pas douter, l’un de ses prédécesseurs lui aura laissé un dossier indiquant qu’il y a « en France, une certaine culture du masque »…
Même s’il faut mettre à son crédit l’évocation de la vaccination antigrippale à grande échelle au moins chez les soignants, n’oublions pas que cette mesure ne saurait, à elle seule, éviter la majoration de la mise sous tension de notre système de santé lié à l’absentéisme des soignants qui auraient eux-mêmes contracté l’infection. Car, si elle permet de diminuer le risque d’infection grave, elle est tout sauf infaillible. Un empilement de mesures s’impose donc.
Il n’est plus possible de concevoir une organisation des soins calquée sur celle qui a été la nôtre depuis la fin du siècle dernier. Tout doit être repensé quant aux rôles, missions et coopérations de chaque maillon de la chaîne du soin. Mais pour cela, nous avons besoin d’un ou d’une ministre qui ne reparte pas de zéro tous les deux mois…
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