Lorsque j’ai lu l’article du Quotidien dans lequel Monsieur Revel expose sa solution pour résoudre le problème des déserts médicaux, je me suis dit : « Mais il stigmatise à mort les confrères du Secteur 2 ». On est à deux doigts de la discrimination, et même tout près de la diabolisation.
À écouter son discours, on croirait que le secteur 2 est responsable de la pénurie de médecins en France et qu’à lui seul, il aurait fait naître les déserts médicaux. Le fond de sa pensée semble être celui-ci : « ils ont la vie trop belle, un prix de consultation plus élevé leur permet d’avoir un exercice très cool. Conclusion : Ils peuvent bien en faire un peu plus ; je vais les envoyer bosser quelques jours par semaine dans les déserts. »
Tout ceci m’a donné envie d’en savoir un peu plus. N’ayant pas les sources de la CPAM, j’ai interrogé ChatGPT afin d’éclairer un peu ma lanterne. Je lui ai posé la question : « Quel est le nombre moyen de consultations journalières faites par les médecins de secteur 2 ? » Je lui ai demandé par la même occasion de m’indiquer celui des médecins du secteur 1.
Je m’attendais à ce que le résultat soit une fraction de type 1/2. ChatGPT m’a dit que pour le secteur 2, il ne disposait pas de suffisamment de sources fiables pour m’indiquer le nombre d’actes faits par jour par les médecins de ce secteur. Par contre, il m’a donné celui des médecins du secteur 1 : 23 consultations par jour, temps moyen de la consultation 17 minutes, deux à trois visites à domicile par semaine.
Et là, j’avoue que j’ai failli tomber de ma chaise !
Ma première réflexion a été : ChatGPT se plante ! J’ai fait une recherche rapide sur Google. Réponse similaire. Je me suis dit 23 consultations par jour ! Mais c’est ce qu’on faisait dans les années 2000 en une matinée ou un après-midi. Certes, c’était il y a une bonne vingtaine d’années, mais tout de même ! Le monde aurait-il donc changé à ce point ?
Ce chiffre étant une moyenne, j’en ai déduit aussi, histoire de me rassurer, qu’il y a des confrères qui en font certainement bien plus, mais ce qui m’a un peu désolé, c’est que d’autres dans ce cas, en font encore moins !
Il y a belle lurette que nous sommes fichés dans nos moindres faits et gestes par la CPAM. En conséquence, elle doit disposer de statistiques bien plus précises dans ce domaine. Et tout en me disant ceci, je me suis souvenu que Nicolas Revel a été, il y a quelques années, son directeur national. Détiendrait-il des infos plus pertinentes ?
En attendant que toutes ces données s’éclaircissent, j’ai continué mon raisonnement avec les infos de ChatGPT concernant le secteur 1. 23 x 17 minutes = 374 minutes/60 = 6 h 30. Temps de travail hebdo du lundi au samedi matin, soit cinq jours et demi. Donc, 6 h 30 x 5,5 = 35 heures.
Si tout ceci s’avère exact, peut-être que Monsieur Revel n’a pas complètement tort, et il pourrait même aussi dans ce cas élargir son réservoir de médecins susceptibles d’être « manipulés » par les ARS, au lieu d’ostraciser seulement ceux du secteur 2 ! *
Sans oublier l’impact que tous ces Road trips vont entraîner sur l’empreinte carbone
Tout ceci m’amène à une dernière réflexion. Avec un peu moins d’hypocrisie et plus de bon sens, ne serait-il pas préférable qu’il demande à tous les confrères de tous les secteurs d’ouvrir un peu les vannes là où ils exercent ? Je veux dire, en demandant aux plus concernés, au moins pendant quelques mois, de mettre au placard, la sempiternelle formule : « on ne prend plus de nouveaux patients ». Ça donnerait tout de même une sacrée bouffée d’oxygène !
Et normalement, si tout le monde était de bonne composition, ça se ferait sans prendre aucun risque d’amener quiconque au burn-out. Ainsi, on arriverait peut-être à régler enfin cet épineux problème de la pénurie de médecins et des déserts médicaux.
Car franchement, faire déplacer les médecins sur les routes pour aller faire des consultations dans les déserts, ce n’est tout de même pas ce qu’on peut faire de mieux pour gagner du temps médical.
Sans oublier l’impact que tous ces Road trips vont entraîner sur l’empreinte carbone.
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