L’année dernière je saluais la nomination du nouveau ministre de la Santé, François Braun. Dans la revue L’Internat de Paris, j’émettais de sérieux doutes sur ses propositions, notamment le tri par le 15 pour désengorger les urgences. On ne peut que constater son échec. Et nous saurons après l’été si la canicule et la pénurie de personnels avec beaucoup de services d’urgences fermés ont entraîné de nouvelles catastrophes.
Le 20 juillet 2023, Aurélien Rousseau succède à François Braun et devient ministre de la Santé et de la Prévention. Le nouveau ministre est un haut fonctionnaire très ancré à gauche. Ancien professeur d'histoire-géographie de formation, passé par l'ENA, il a été membre du cabinet de Bertrand Delanoë. De 2015 à 2017, il fut directeur adjoint de cabinet et conseiller social auprès des Premiers ministres Manuel Valls et Bernard Cazeneuve.
Une expérience à l'ARS Île-de-France
Il a l’expérience de la gestion de la santé car il a été à partir du 25 juillet 2018 directeur général de l'Agence régionale de santé Île-de-France. Il en a piloté la politique de santé en région lors du Covid-19. Il a été beaucoup critiqué pour son attitude hospitalo-centrée. Après son départ, il devient en mai 2022 directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne avant sa nomination à Ségur.
Une question se pose « a-t-il la même vision technocratique, omnipotente et aveugle qu’Alain Juppé avec les ordonnances de 1996 et les lois qui ont suivi ? » Elles avaient créé l’Ondam, enveloppe budgétaire votée annuellement à l’Assemblée nationale pour limiter les dépenses de santé. Cette vision comptable a bouleversé le système. Celui-ci n’est plus lié aux besoins de la population mais doit se limiter à l’enveloppe fixée. Les soignants sont devenus les variables d’ajustement à la merci des députés et de leurs votes sectaires.
L’ancien ministre François Braun avait défendu, dans un entretien au Quotidien du Médecin, son bilan et sa méthode. Il se montrait « optimiste pour les mois qui viennent » (sic). Les faits l’ont démenti. À l'heure où les lois Rist et Valletoux inquiètent la médecine libérale, il réaffirmait clairement son opposition à la contrainte à l'installation mais critiquait « l'impasse » du déconventionnement.
Ce sont pourtant les décisions politiques qui poussent les médecins dans cette direction.
Voici les questions que je souhaite poser au nouveau ministre :
1) Certains députés font tout pour pousser certains médecins au déconventionnement en ajoutant sans cesse de nouvelles contraintes ! Être médecin ce n’est pas être esclave. Qu’allez-vous proposer pour faciliter l’exercice de la médecine libérale ?
2) L'hôpital public vit une crise sans précédent avec 30 % des postes de PH vacants. Qu’allez-vous faire pour revaloriser l'attractivité des carrières médicales à l'hôpital alors que la grille des salaires ne permet pas une réelle revalorisation ?
3) Plafonner, voire interdire, l’intérim aux nouveaux diplômés empêche les médecins de trouver des remplaçants. Qu’allez-vous proposer pour les empêcher de partir ?
4) Certains conseillers (Prs Uzan, Claris) ont amené le système au bord du gouffre. Allez-vous tourner le dos à leurs propositions ?
5) Au sujet de la gouvernance de l'hôpital. Allez-vous simplifier les strates de l’administration ? À mon sens Il faut supprimer les chefs de pôles et rendre le pouvoir aux chefs de service qui doivent être les seuls responsables de leurs équipes.
6) La permanence des soins en santé (PDS-ES) a toujours été assurée mais cela risque de s’arrêter faute de médecins. Cette pénurie a été organisée par vos prédécesseurs. Les nouvelles contraintes vont aggraver la situation. Allez-vous les alléger ?
7) La crise sanitaire de l’été : avec la pénurie de soignants ouvrir des lits a été impossible et des urgences ont dû fermer par rotation. Quelles mesures envisagez-vous ?
8) Aux tarifs actuels l’équilibre financier d’un cabinet médical sans travailler plus de 70 heures/semaine n’est plus possible. Vos collègues députés poussent vers cette médecine à deux vitesses. Les négociations conventionnelles ont échoué et abouti à un règlement arbitral qui ne convient pas aux syndicats. Quand doivent-elles reprendre ? La nouvelle convention va-t-elle tourner le dos au projet précédent ? L’aumône de 1,50 € pour porter la consultation à 26,50 € est un très mauvais signal. Imposer un préavis de six mois pour poser leurs vacances, c’est les prendre pour des agents de l’État ce qu’ils ne sont pas.
Plus de 2 600 médecins libéraux ont déjà signé une lettre d'intention de déconventionnement, se déconventionner n’est pas un mouvement d’humeur. D'autres facturent la consultation à 30 euros en signe de guérilla tarifaire. Craignez-vous ce mouvement ?
9) En ce qui concerne la violence contre les soignants, l'Ordre a recensé un record historique d'incidents déclarés par les médecins, avec 1 244 agressions en 2022. Qu’allez-vous proposer ?
10) La France est le pays de l'OCDE où le reste à charge en santé des ménages est le moins élevé, de l’ordre de 9 %. L’augmentation des franchises est programmée. Un euro de plus pour la consultation et 50 centimes d'euros sur les médicaments, cela équivaut environ au prix d'une baguette de pain. L'augmentation est relativement minime et ne pèserait pas trop sur les ménages, le système de santé français est extrêmement solidaire.
11) Voilà pour terminer la question qui fâche : Avez-vous pour mission de terminer la destruction de ce qui fut le meilleur système du monde pour reconstruire un autre modèle ou allez-vous tourner le dos à ce projet ?
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