Fléau sanitaire et social majeur, la douleur est avant tout un lourd fardeau pour les personnes concernées. Elle peut être source de handicap, d’inactivité, d’isolement social et de souffrances psychiques, sociales et existentielles. Deux patients douloureux chroniques sur trois sont directement handicapés par la douleur dans leurs activités physiques, leur sommeil et leur quotidien. Par ailleurs, les populations vulnérables, nourrissons et personnes âgées, personnes en situation de handicap ou vivant avec une affection mentale, sont davantage sujettes à la douleur chronique, trop tardivement diagnostiquée.
Reprendre au plus vite les discussions autour du projet de loi sur la fin de vie
Le projet de loi sur la fin de vie, qui intégrait des propositions visant à améliorer la gestion de la douleur dans les soins d’accompagnement, a été suspendu à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024. Alors que le gouvernement multiplie les signaux parfois contradictoires quant à la reprise de ce texte sociétal majeur, nous appelons à la reprise des débats au plus vite, afin d‘obtenir des avancées significatives pour la prise en charge des patients douloureux, bien au-delà des seuls soins de fin de vie.
À travers la difficile question de la fin de vie, les pouvoirs publics ont également choisi de relever le grand défi de la prise en charge de la douleur. En ce sens, il n’est pas seulement question de soins de fin de vie, de soins palliatifs, mais plus généralement « d’accompagnement », pour désigner toutes les dimensions de la prise en charge. Si la douleur est une composante essentielle des soins palliatifs, elle ne peut s’y limiter et concerne aussi des millions de patients qui vivent au quotidien avec la douleur chronique.
Ainsi, ce texte représente une opportunité unique de développer une politique de prise en charge de la douleur à la hauteur du défi multidimensionnel qu'elle pose aux personnes malades, au système de santé, et à notre conception même de la médecine et du soin.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis de faire reconnaître la prise en charge et le soulagement de la douleur comme des droits fondamentaux des patients. Plus récemment, la Haute Autorité de santé a publié des recommandations pour améliorer le parcours des patients souffrant de douleur chronique.
Cependant, le manque de moyens, tant humains que financiers, dans les structures en charge de ces patients ne permet pas de mettre en œuvre ces recommandations dans des conditions satisfaisantes. La douleur n’est toujours pas reconnue à la hauteur du fardeau qu’elle représente pour les patients et la société. En moyenne, un patient souffrant de douleur chronique accède à un centre spécialisé cinq ans après l'apparition des premières douleurs.
Décloisonner, prévenir, protéger, impliquer : pour une politique de prise en charge de la douleur à 360°
La prise en charge de la douleur nécessite un décloisonnement, en permettant la coopération de nombreux professionnels de santé impliqués autour du patient douloureux dans la durée, à toutes les étapes du parcours de soins. Ce dernier est aujourd’hui émaillé de multiples ruptures, d’errance, d’isolement, dont les conséquences physiques, psychologiques, sociales et économiques sont lourdes pour le patient et la société. La douleur vient altérer notre santé mentale, notre santé globale.
Deux mesures en particulier nous semblent primordiales : pérenniser les structures douleur chronique et mettre en place des plateformes interventionnelles dans chaque région, avec le soutien des équipes médicales locales. Ces plateformes sont indispensables pour faciliter l’accès des patients à des traitements spécifiques et innovants. Elles garantiraient l’intervention d’un réseau de professionnels de santé formés, capables de poser les indications, de suivre les patients et d’adapter les traitements. Parmi les interventions proposées, on retrouverait l’analgésie intrathécale, la cimentoplastie et les blocs analgésiques locorégionaux, techniques trop peu accessibles à nos concitoyens aujourd’hui. Il est essentiel de rendre ces plateformes pleinement opérationnelles, car elles offrent des solutions efficaces pour des douleurs réfractaires souvent mal contrôlées.
La douleur chronique est un mal évitable dans de nombreuses situations. Son apparition et sa chronicisation sont liées à des facteurs de risque tels que les interventions chirurgicales, les situations de handicap ou encore des douleurs aiguës mal traitées y compris sur le plan comportemental. Les consultations de prévention aux âges clés de la vie sont donc un moyen pertinent de repérer la douleur avant qu’elle ne devienne chronique. À ce titre, la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) appelle à intégrer le dépistage de la douleur dans les programmes de ces consultations. La prévention de la douleur nécessite également un renforcement de la formation des professionnels de santé, en introduisant une universitarisation des soins d’accompagnement, incluant la gestion de la douleur et des soins palliatifs, et en reconnaissant le rôle central des professionnels paramédicaux, comme les infirmiers, dans l’accompagnement des patients souffrant de douleurs chroniques.
La douleur, phénomène biologique, psychologique et social, est subjective et difficile à évaluer, tant pour les professionnels de santé que pour les proches et les patients eux-mêmes. La douleur n’est pas corrélée à l’importance de la lésion ni à la gravité de la maladie. L’écoute du patient et de son ressenti doit être un principe directeur tout au long de son parcours de soins, pour définir un traitement spécifique et un accompagnement personnalisé. À terme, les patients devraient être en possession d’une « boîte à outils » thérapeutiques, à la fois médicamenteuse et non médicamenteuse, afin de mieux maîtriser leur douleur, la contrôler, et devenir pleinement acteurs de leur prise en charge.
La gestion de la douleur est au cœur de l’accompagnement à la fin de vie. La SFETD prône une évaluation systématique par une structure douleur chronique (SDC) pour tous les patients demandant une aide médicale à mourir en raison de douleurs insupportables. La mise en place d’une telle mesure permettrait de s'assurer que toutes les options de traitement, y compris les interventions avancées telles que l'analgésie intrathécale ou les blocs régionaux, ont été pleinement explorées.
La SFETD soutient que la douleur chronique doit être reconnue comme une maladie à part entière, et non seulement comme un symptôme. Sa prise en charge nécessite une vision holistique et innovante, à la hauteur des défis que pose la douleur pour les patients, les professionnels de santé et la société. En écho à ces enjeux, nous renouvelons notre souhait de participer activement aux discussions pour garantir que ce volet crucial soit inclus dans la législation à venir.
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