Par Patrick Ferrer
La salle des pas perdus lui faisait immanquablement penser à un immense hall de gare qui ne conduisait nulle part. Les gens apparaissaient et disparaissaient pour réapparaître, comme s’ils erraient au hasard dans les vingt-quatre kilomètres de couloirs du Palais de Justice. Le divisionnaire avait tenu à accompagner le commissaire Desjoux pour l’entrevue avec le procureur de la République et distillait ses dernières recommandations que le policier n’écoutait pas. Il espérait et redoutait à la fois de voir apparaître la perspicace Amélie et laissa échapper un soupir de soulagement quand il aperçut le Dr Corneille qui s’avançait, un épais dossier sous le bras. Le légiste avait largement dépassé l’âge de la retraite, mais la pénurie d’experts qualifiés à l’Identité Judiciaire l’avait poussé à prolonger son activité en attendant la relève.
– Bonjour, messieurs. J’espère que je ne vous ai pas fait attendre…
– Bonjour docteur, répliqua le divisionnaire. Le procureur devrait nous recevoir d’ici quelques minutes. Je suis heureux de voir que vous ne nous avez pas envoyé une stagiaire, cette fois.
– Oui, certes… J’ai pensé en effet que, vu la gravité des charges…
Le divisionnaire renifla bruyamment.
– Il y a eu suffisamment de dérives sur ce dossier, nous n’avons pas besoin d’en rajouter avec les théories fumeuses de jeunes laborantines.
– Certes, certes, acquiesça le légiste.
Le procureur finit par les recevoir dans la vaste salle d’audience. Il écouta en silence l’exposé du dossier que fit le commissaire divisionnaire avant de se tourner vers le légiste.
– Vos analyses concordent-elles, docteur ?
Le vieil homme se racla la gorge.
– L’état de décomposition au moment de la levée du corps nous empêche d’être plus catégoriques quant aux circonstances exactes du décès, monsieur le procureur. Tout ce que nous pouvons affirmer avec certitude est que la mort a été occasionnée par un tir unique et transfixiant au niveau du thorax, ce qui est cohérent avec les conclusions de monsieur le commissaire divisionnaire. Les plaies correspondent au calibre de l’arme trouvée sur les lieux.
Le procureur examina le dossier.
– Le rapport forensique de la scène du crime ne mentionne pas de projectile.
Le divisionnaire fut le plus rapide.
– Ce ne serait pas la première fois, monsieur le procureur. La balle peut se désintégrer ou se loger dans les vêtements et se perdre durant le transport du corps. De notre avis professionnel, cela n’est pas significatif. Par contre, l’absence de signes d’effraction ou de violence écarte clairement la thèse de l’acte criminel.
Le procureur hocha la tête pensivement.
– Donc, vous soutenez la thèse de l’accident et demandez la clôture sans suite du dossier judiciaire, c’est bien cela ?
Le commissaire divisionnaire exhiba un sourire confiant, l’image même de la compétence.
– C’est bien cela, monsieur le procureur.
– Eh bien, monsieur le divisionnaire, je ne partage pas votre avis. À la lecture des éléments mis à ma disposition, votre thèse de la mort accidentelle ou du suicide me semble assez peu fondée. Les éléments de l’enquête, et tout particulièrement le rapport forensique, m’obligent à transmettre ce dossier au juge d’instruction afin de conduire une mise en examen pour acte criminel en propre et due forme.
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