18 h 55. Il sort de sa voiture garée devant le cabinet d’expertise-comptable. Pas besoin de code avant 19 heures, parfait. Un sac volumineux en bandoulière, il franchit les deux étages. Cagoulé et ganté, il sonne à la porte à 18 h 58. La secrétaire ouvre mais n’a pas le temps de dire quoique ce soit, sa bouche et son nez sont pris sous un chiffon imbibé de chloroforme. Délicatement posée sur un des sièges du hall d’entrée, elle ne réagit pas. Parfait. Il humidifie à nouveau le linge et pénètre dans le bureau du comptable, se précipite sur lui. Il s’endort à son tour, parfait.
***
La journée n’a servi à rien. Patrice Le Balcon a parcouru les ouvrages et études empruntés à la bibliothèque de médecine. Il a également rappelé le médecin anesthésiste pour lui demander des précisions sur le sujet. Le médecin lui a indiqué que les études montrent que les femmes vivent des expériences plus profondes de mort imminente, qu’un risque de mort s’en suit dans les trente jours après l’arrêt cardiaque, que les recherches tendent à expliquer l’E.M.I. comme un phénomène cérébral mais qu’aucune science n’a encore pu expliquer la décorporation, dernière étape de l’E.M.I. Mais tout cela n’éclaire en rien l’intention de l’agresseur. Après toutes ces études, que veut-il encore prouver ? L’homme recherché est très soigneux, d’une rigueur extrême. La stratégie, bien fragile, consiste à compter sur une erreur de sa part.
Comme souvent, l’officier rentre chez lui à pied. Et Aristote entre dans sa vie. Il ne connaît pas bien l’œuvre du philosophe, mais la légende est belle : il enseignait au lycée d’Athènes, et réfléchissait en marchant. Il aime penser qu’il fait de même.
L’agresseur est un expert, il a de solides connaissances scientifiques, le médecin me l’a confirmé. Pour faire ce qu’il fait, il ne peut pas improviser. Les livres que j’ai empruntés à la bibliothèque sont les ouvrages références sur l’E.M.I. Il faut que je les regarde à nouveau.
***
De la double expérience menée sur l’expert-comptable et sur sa secrétaire, rien de nouveau n’est ressorti. Mais une nouvelle idée a jailli du cerveau décidément très créatif : sait-on ce qui se passe chez quelqu’un qui aura vécu deux E.M.I. proches dans le temps ? Son témoignage serait-il le même ? Sinon, quelles différences ?
Les policiers qui ont patrouillé pendant des jours à proximité de chez Pierre Clamart se sont retirés mais le journal local continue à couvrir l’affaire : « Selon des sources proches de l’enquête, la Police estime que le chercheur fou ne reviendra pas dans le quartier des Peupliers ». « Le « chercheur fou » abrutis de journalistes ! », pense la silhouette vêtue de noir qui disparaît dans la nuit.
***
– Racontez-moi Pierre.
– Ben, comme l’autre fois il m’a surpris…
Des larmes coulent, mais il continue :
– Il m’a attaché et puis il a recommencé, tout pareil. Sauf quelque chose…
– Quoi ?
– Dites-lui Pierre, encouragea sa voisine, qui cette fois encore avait prévenu la Police.
– Il était beaucoup plus excité. Avant qu’il me fasse la piqûre, je m’en suis bien rendu compte. Et puis il avait avec lui un livre qu’il s’est mis à lire avant que je m’endorme… Il répétait « ils l’ont pas fait ça, ils l’ont pas fait, moi je vais savoir ».
– Et après, le même interrogatoire ?
– Oui, mais il n’avait pas l’air satisfait de mes réponses, il disait : « non, ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ».
Alors que le policier s’apprêtait à quitter les lieux, la voix de Pierre Clamart retentit dans le silence pesant du salon :
– Quelque chose me revient : j’ai vu sur le livre qu’il s’agissait des éditions « Au-delà et Sciences ».
Un sourire.
Prochain épisode dans notre édition du 27 février
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