La législation française – et le code de déontologie – interdisant la publicité pour les médecins va-t-elle évoluer sous la pression de la jurisprudence communautaire ?
C'est ce que réclame le cabinet d'avocats Di Vizio, qui défend plusieurs professionnels français dans des procès liés à leurs pratiques publicitaires. Le cabinet a saisi à cet effet le Conseil d'État le 7 février pour imposer à l'État – et à l'Ordre – l'application immédiate de la législation européenne libéralisant le droit à la publicité.
Le 6 novembre 2019 déjà, le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, avait reconnu que la déontologie française actuelle ne pouvait plus être appliquée et que l'État aurait dû abroger les textes proscrivant la publicité des professions de santé.
De fait, en son article 19 établissant que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce », le code de déontologie proscrit toujours formellement la publicité (de type promotionnel) pour les médecins par « tous procédés directs ou indirects » et notamment « tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale ». Un statu quo qui perdure malgré des décisions continentales en 2017 et 2018 qui ont enjoint la France de mettre sa réglementation en conformité avec le droit communautaire. Sur le site du conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), il est seulement précisé que le code de déontologie médicale « va évoluer » pour être en adéquation avec les attentes, à la fois, des médecins et des usagers.
« La législation française n'est toujours pas conforme aux normes européennes et les Ordres professionnels en profitent, quoi qu'illégalement, pour continuer à poursuivre et condamner des praticiens pour publicité », tonne Me Fabrice Di Vizio.
Chiffons rouges
L'avocat affirme représenter aujourd'hui « une quinzaine de médecins » poursuivis pour ces motifs et dont les affaires sont « pendantes ou en attente de décision ».
Parmi ceux-ci, un chirurgien esthétique qui apparaît régulièrement à la télévision et tient un site internet reprenant ses interventions ; un ophtalmologiste ayant écrit un article dans une revue générale sur une technique médicale particulière ; ou encore un généraliste spécialisé en nutrition et dont le nom a été considéré comme « mis en avant » dans un article de presse locale sur le sujet.
L'affaire qui a donné lieu à la dernière saisine du Conseil d'État concerne un généraliste exerçant à la montagne, condamné par l'Ordre car le panneau orientant vers son cabinet dans la station était « trop visible ». Le cabinet multiplie les exemples : un site « prétendument non conforme » aux règles de déontologie, l'« indication du nombre d'implants posés chaque année » ou encore le fait de préciser une spécialité « reconnue par la fac mais non pas par l'Ordre ».
Protectionnisme
« Les vrais personnages bloquants aujourd'hui sont les Ordres, accuse Me Di Vizio. Ils agitent des chiffons rouges en affirmant que, si l'on touche aux textes déontologiques, la médecine va être exercée comme un commerce. Mais cela est contraire au droit communautaire et va à l'encontre des intérêts nationaux ! Pendant qu'on ergote, les médecins niçois ou lillois subissent la concurrence de l'Italie ou de la Belgique, où la législation sur la publicité a évolué. »
Regrettant ce « protectionnisme mal placé », Me Di Vizio a réclamé au Conseil d'État une astreinte financière de 4 000 euros par jour de retard. La réponse devrait être rendue « sous deux mois ».
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