LE QUOTIDIEN : Comment jugez-vous ce cru 2021 pour les revenus des médecins libéraux, après le choc de 2020 ?
BECHIR CHEBBAH : Clairement, 2021 vient corriger l'année catastrophe 2020, qui avait été marquée par de fortes baisses de chiffre d'affaires, reflétant l'impact de la pandémie sur l'activité médicale avec les différents confinements ou les déprogrammations. L'an passé, le rebond a été quasi-généralisé, il concerne les professions médicales mais aussi beaucoup d'autres libéraux comme les architectes, les notaires, les autos-écoles ou les dessinateurs industriels. Chez les médecins, on relève même des hausses significatives comme la progression de près de 8 % des recettes des généralistes. Il y a donc un rattrapage soutenu.
N'est-ce pas une hausse en trompe-l’œil après l'année 2020 complètement atypique ?
Certes, il y a ce rebond d'activité évident après 2020 mais sans doute aussi d'autres facteurs qui ont joué. On sait qu'il y a désormais un effet de raréfaction de l'offre médicale libérale alors que la demande, elle, reste très forte, y compris à cause du Covid et de nouveaux épisodes cycliques. Beaucoup de généralistes libéraux installés sont complètement débordés, parce que leurs confrères s'en vont et que les jeunes ne s'installent pas tout de suite et multiplient les remplacements qui leur donnent davantage de souplesse.
Chez les spécialistes, on constate aussi un rebond net et généralisé du chiffre d'affaires. On voit des progressions fortes chez les ophtalmologistes, les anesthésistes, les radiologues, les ORL ou même les pédiatres. Nous avons parfois été surpris par ces chiffres qui traduisent une reprise plus forte que nous le pensions. C'est à la fois l'effet rattrapage, la diminution de l'offre médicale et une croissance soutenue de la demande en raison aussi du vieillissement de la population. Un mot sur les biologistes : les chiffres de l'Unasa sont un peu biaisés car ce sont surtout les gros laboratoires qui ont capté la part de marché des tests Covid et profité de la manne.
Enfin, côté bénéfice, il y a pu avoir aussi l'an passé l'effet des étalements de paiement de charges sociales et de subventions directes qui peuvent influencer le résultat.
Comment se présente 2022 ?
C'est cet exercice qui va refléter vraiment la dynamique de la reprise. Pour tirer des leçons, il faudra comparer 2022 avec 2019 après deux années (2020 et 2021) qui auront été très atypiques, la première très négative, la deuxième en forme de récupération. À ce stade, je ne constate pas de difficultés majeures de trésorerie chez les professions médicales, d'abord parce qu'il n'y a pas de crédit client, ensuite parce que les aides et étalements de charges ont permis d'amortir le choc. Certains groupements importants ou cabinets libéraux qui ont pris par précaution en 2020 des PGE (prêts garantis par l'État), jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires, comme des radiologues ou des cardiologues, remboursent ces prêts normalement.
Article précédent
Dr Claude Colas* : en attendant 2022
Article suivant
Un échantillon de 25 700 praticiens
Dr Thierry Bour* : des besoins croissants
Dr Claude Colas* : en attendant 2022
Béchir Chebbah, Président de l'Unasa : « une reprise plus forte que nous le pensions »
Un échantillon de 25 700 praticiens
Des inégalités plus fortes entre spécialités
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre