« Ici, on travaille presque mieux que dans un CHU ! ». Blagueur mais sûr de lui, le Dr François Amiel, seul cardiologue libéral de Redon (Ille-et-Vilaine), interroge, ausculte et réalise une échographie cardiaque. La patiente, allongée sur la table d'examen, 65 ans, souffre d'hypertension et d'arthrose mais aussi de douleurs aux pieds. Elle est venue consulter « pour se rassurer » après avoir vu son angiologue... dans le bureau d'à côté.
C'est la particularité de cette maison du cœur, des vaisseaux et du diabète, sise sur les hauteurs de Redon, ville de 9300 habitants limitrophe du Morbihan et de la Loire-Atlantique. Plusieurs spécialités libérales sont regroupées dans ce lieu. Cinq bureaux, murs crème et lino bleu, tous communicants, permettent de prendre en charge « au mieux » les patients atteints de pathologies chroniques touchant ces organes.
Outre le Dr Amiel, le Dr Yannick Juhel assure sur place les consultations d'angiologie depuis le mois de novembre 2017. Une fois par semaine, un chirurgien vasculaire, ce jour-là le Dr Thierry Merlini, et une diabéto-endocrinologue, le Dr Perrine Pichon, se déplacent du centre hospitalier privé Saint-Grégoire (Vivalto Santé), près de Rennes, pour consulter.
Limiter les déplacements
Le Dr Amiel, 60 ans, martèle son objectif : « Maximiser le service rendu à la population, majoritairement âgée et rurale, et leur éviter de faire de la route jusqu'à Nantes ou Rennes ». Cet ancien chef de service hospitalier a investi dans ces murs – auparavant un hangar de maçon – en 2010, avant de tout refaire et d'ouvrir le cabinet en 2012.
L'année dernière, il décide de faire évoluer son projet et d'ouvrir les lieux à d'autres spécialistes, quitte à faire concurrence à l'hôpital local. Dans la salle d'attente, les patients semblent s'y retrouver. « C'est plus pratique pour moi. Ce matin, j'ai vu deux médecins dans la foulée : ça m'arrange, je n'aime pas conduire dans les grandes villes ! », souffle Marie-Claude. Elle repart avec un bilan imprimé, enregistré dans la base de données partagée dans le cabinet, que recevra son médecin traitant via messagerie sécurisée.
Se concentrer sur le médical
Le patient suivant attend déjà dans un bureau adjacent. Torse nu, il est prêt à être examiné. C'est la secrétaire médicale qui l'a installé, après avoir complété son dossier (courrier du médecin référent, examens de biologie), réalisé un électro-cardiogramme et pris sa tension. Une délégation inhabituelle, mise en place il y a cinq ans par le cardiologue. « Quand j'arrive, je n'ai plus qu'à faire l'interrogatoire, à me concentrer sur le médical, en ayant toutes les données sous les yeux », fait valoir le Dr Amiel.
Toute la matinée, le tandem fonctionne ainsi. Cette organisation permet au médecin de voir une quinzaine de patients avant la pause déjeuner, mais aussi de consacrer des plages horaires aux urgences et aux soins non programmés.
L'après-midi, le Dr Amiel voit seul ses patients et réduit le rythme des consultations, mais toujours entouré de confrères spécialistes. Ce jour-là, c'est le Dr Thierry Merlini, chirurgien thoracique et vasculaire, qui reçoit un patient vu avant par le cardiologue et l'angiologue. Il souffre d'une ischémie d'un membre inférieur, qui devra nécessiter l'intervention du chirurgien à Saint-Grégoire après une radio complémentaire. « Je le reverrai pour la consultation postopératoire ici. Ces consultations permettent d'assurer la continuité des soins, d'éviter des déplacements inutiles ou les bons de transports, et donc de limiter les dépenses publiques », souligne le Dr Merlini, 36 ans.
Des arguments de qualité des soins également avancés par la direction de la clinique, qui recense une vingtaine de praticiens consultant sur cinq sites différents. « Ce type de consultations déportées se fait depuis 7 ou 8 ans, précise le directeur général de Saint-Grégoire, Nicolas Bioulou. L'idée est d'aller dans des secteurs où il y a de moins en moins de spécialistes, au plus près des patients, dans un rayon de 30 à 60 kilomètres autour de Rennes. » D'autres spécialités pourraient rejoindre la maison médicale prochainement, comme une chirurgie de l'obésité ou des consultations d'anesthésie.
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