LE QUOTIDIEN – Pourquoi avoir réalisé cette photographie des médecins remplaçants ?
Dr ALAN CHARISSOU – On entend souvent que les remplaçants ne sont pas assez engagés dans l’offre de soins, qu’ils ont un métier rêvé qu’ils exercent quand ils veulent. Bref, on nous colle une image de dilettante qui profite plus du système qu’il n’y participe. Par ailleurs, aucun rapport de démographie médicale ne prend en compte la population des remplaçants et leur activité. Nous voulions à la fois casser les idées reçues et mesurer l’impact sur l’offre de soins des remplaçants pour intégrer cette activité dans les projections démographiques.
Pourquoi le remplacement a à ce point le vent en poupe et pourquoi les jeunes ne franchissent pas le cap de l’installation ?
L’étude Remplact permet uniquement de mesurer l’activité. Nous préparons un second questionnaire sur la vision qu’ont les médecins des remplaçants. Vont y répondre les praticiens installés, les remplaçants et les internes afin de réfléchir aux véritables problématiques du statut. Ce qui explique aujourd’hui la non-installation, c’est le statut libéral qui fait peur. Ce n’est pas la charge de travail. Les remplaçants ont une forte activité et une grande partie des remplaçants est même prête à travailler plus.
Craignez-vous qu’un jour les médecins remplaçants soient contraints de s’installer ?
Nous redoutons une telle mesure, évoquée par des parlementaires ou des conseillers ordinaux. Elle serait contre-productive. Les remplaçants travaillent déjà pas mal, les chiffres le montrent. Les faire s’installer ne va pas faire augmenter l’offre de soins. Ajouter une contrainte ne rendra pas la spécialité plus attractive. Plutôt que d’enquiquiner les 40 % de médecins qui font réellement de la médecine générale, il faut trouver une solution pour ralentir la fuite des jeunes vers d’autres modes d’exercice. Actuellement, les remplaçants sont indispensables au système de santé. En France, 56 % des médecins généralistes continuent d’exercer en cabinet isolé. Quand ils partent en vacances, il faut quelqu’un pour prendre leur place ! Dans 15 à 20 ans, quand on aura 80 % d’exercice en groupe et que le DMP [dossier médical personnel, NDLR] sera en place, la continuité des soins sera plus facile à organiser. En attendant, les remplaçants sont indispensables.
Une réglementation est-elle nécessaire pour codifier le remplacement ?
Encadrer l’exercice n’est pas nécessaire mais le statut des remplaçants présente des aspects précaires comme l’absence de prévoyance ou de protection sociale, par exemple, qu’il faut faire évoluer. Les remplaçants non thésés ne disposent d’aucune prévoyance obligatoire. En cas d’arrêt maladie, ils n’ont aucun revenu. En cas d’invalidité, ce sont toutes leurs études qui sont fichues.
L’exercice en groupe peut-il aider les remplaçants à franchir le pas de l’installation ?
Il faut surtout un nouveau statut libéral, permettre aux jeunes de faire de la médecine de qualité, d’avoir une vie personnelle épanouie. Ce sont des mesures d’ordre organisationnelles dont nous avons besoin : transfert de compétences, développement de nouveaux métiers, nouveaux modes de rémunérations panachés (forfaitaires, à l’intéressement et à la performance) et plus seulement à l’acte.
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