LE QUOTIDIEN : L'assurance-maladie fait état de 261 millions d'euros de fraudes en 2018 (lire page 3). On est loin des milliards parfois évoqués...
Dr CATHERINE BISMUTH : Il est très difficile de donner une estimation fiable de la fraude puisqu’elle est par nature dissimulée. Cette difficulté n’est pas propre aux fraudes sociales. Résultant d’actions irrégulières ou illicites d’une minorité de personnes (assurés, professionnels de santé, établissements, employeurs), la fraude est diverse, inventive et mouvante. Elle exige une adaptation constante des moyens d’action.
Les techniques et les dispositifs mis en œuvre par l’assurance-maladie évoluent sans cesse : rotation régulière des champs d'investigation, adaptation de la réglementation, intensification des échanges de données entre les administrations, recours à de nouvelles techniques d’exploitation des bases de données statistiques de l’assurance-maladie, grâce au datamining et même plus récemment via le recours au big data.
En montant, les offreurs de soins sont les premiers fraudeurs. Surprenant ?
Il est important de noter que si les montants des préjudices détectés et stoppés chez les professionnels de santé et les établissements représentent plus des trois quarts des préjudices totaux, ce sont les assurés qui représentent plus de la moitié du nombre de fraudes (51,34 %). Cette répartition entre le nombre de cas en valeur absolue et le montant des préjudices en jeu est retrouvée chaque année. Cela explique l’importance de notre mobilisation sur tous les risques de fraudes. Les dispositifs de contrôles sont aussi divers que le sont les conditions d’accès aux droits et aux soins ou les modalités de tarification.
Y a-t-il un champ de la fraude sur lequel vos services sont particulièrement mobilisés ?
La fraude existe par définition sur tout notre périmètre de remboursements et est le fait d’une minorité. Nos actions s’appliquent à couvrir l’ensemble du périmètre et nos méthodes de détection se perfectionnent pour toujours mieux repérer les fraudeurs.
La lutte contre la fraude et les activités fautives est un axe prioritaire dans l’action de l’assurance-maladie. Au regard du poids de l’assurance-maladie dans les dépenses publiques (200 milliards d'euros), le paiement à bon droit des prestations et plus particulièrement la politique de contrôle et de lutte contre la fraude constituent des enjeux fondamentaux. Nos résultats en progression année après année résultent d’un ensemble d’actions et notamment de la professionnalisation des équipes et de l’important travail en réseau sur tout le territoire.
Les sanctions financières ont permis de récupérer 20,9 millions d'euros en 2018. N'est-ce pas inefficace ?
Nous choisissons la suite contentieuse la plus appropriée en fonction de la nature et de la gravité des griefs, du montant des préjudices financiers subis voire d’une récidive des faits. Cette suite contentieuse peut être une pénalité financière (amende), une saisine ordinale ou conventionnelle ou une plainte pénale. L’assurance-maladie poursuit une politique déterminée d’actions contentieuses face à la fraude et les activités fautives, comme l’illustre l’augmentation de 4,1 % du nombre d’actions contentieuses en 2018, par rapport à 2017.
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