Les députés de la commission des Affaires sociales ont fait preuve, comme souvent, d'une créativité sans limites, lors de l'examen du PLFSS. 1 220 amendements ont été déposés la semaine dernière, dont beaucoup visant à remodeler l'exercice médical.
Le groupe PS a poussé pour limiter la liberté d'installation de nouveaux praticiens libéraux dans les zones surdotées (définies par l'ARS avec les syndicats) par la création d'un « conventionnement territorial ». Le praticien libéral (généraliste ou spécialiste) qui voudrait quand même s'y installer ne pourrait être conventionné que si un confrère de la même zone cesse son activité. Certains socialistes ont également proposé d'appliquer ce principe uniquement « pendant la période de crise sanitaire ». « Cela permettrait de lutter contre l’engorgement des urgences en France », ont-ils soutenu. Ces amendements ont été écartés, la majorité ayant toujours rejeté une approche punitive qui découragerait les vocations.
TPG, le retour
Autre idée soutenue avec fermeté par divers élus socialistes, communistes ou ex-LREM de l'aile gauche (Ecologie, démocratie, solidarité): la généralisation du tiers payant partielle ou totale pour la médecine de ville. Des députés socialistes l'envisagent de façon progressive en 2021 et 2022, d'abord aux patients en ALD puis à toute la population. D'autres élus communistes proposent le TPG pour tous les médecins libéraux au 1er janvier 2021. Plusieurs amendements suggèrent enfin de rendre obligatoire le tiers payant intégral dans les maisons de santé, les centres de santé et les nouvelles maisons de naissance.
L'encadrement des dépassements d'honoraires est revenu à gauche. Des députés PS ont souhaité plafonner cette pratique à 50 % maximum du tarif opposable en faisant valoir que le montant total annuel de ces dépassements de secteur II a atteint le niveau de 2,66 milliards d’euros dont 2,45 milliards pour les spécialistes. Les plus forts taux de dépassements se retrouvent chez les gynécologues médicaux (98,2 %), les gériatres (92,9 %), les neuropsychiatres (73,2 %) ou les stomatologues (72,1 %), lit-on dans l'exposé des motifs.
Des députés LFI ont tenté d'interdire la médecine libérale dans les hôpitaux de proximité, au principe que « l’exercice libéral ne répond pas actuellement aux principes d’un véritable service public de santé. Liberté d’installation, liberté tarifaire, possibilité de travailler en solitaire, moins bon remboursement ne sont pas des principes à développer ». Proposée par des élus LREM, l'obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants et les carabins à l'hôpital est elle aussi tombée à l'eau.
Lobby de l'homéopathie
La droite a quant à elle défendu de nouvelles délégations de tâches aux paramédicaux. Exemple : confier aux infirmières la prescription de pansements médicamenteux à titre expérimental pendant trois ans et la réalisation de la vaccination saisonnière antigrippale, sans prescription médicale, pendant deux ans.
Dans le cadre de la médecine du travail pour les employés agricoles, l’infirmier de santé au travail pourrait assurer la consultation une année sur deux ainsi que la coordination et la prescription relative au parcours de santé. « Si cette expérimentation aboutit, il faudra l’étendre à l’ensemble des infirmiers de santé au travail sur le territoire et sans restriction de domaine d’intervention », a soutenu Bernard Perrut (LR, Rhône), en vain.
Enfin, le lobby de l'homéopathie a gagné les rangs de l'Assemblée. Plusieurs députés LR ont demandé de procéder à l’évaluation de médecines complémentaires dont l'homéopathie pour permettre le remboursement de médicaments « non conventionnels ». Au cœur du débat, le sort des médicaments homéopathiques dont le déremboursement total est programmé le 1er janvier 2021. Les élus ont suggéré la création d'un organisme chargé de fixer un taux de remboursement, afin de tenir compte « des traitements adoptés par un nombre croissant de patients et présentant un bénéfice médico-social reconnu ». Toutes ces propositions ont été écartées par le rapporteur général, le Dr Thomas Mesnier.
Article suivant
Jean-Carles Grelier (apparenté LR) : « Aucune vision pour la santé »
Fin de la liberté d'installation, encadrement du secteur II, tiers payant : ce à quoi vous avez échappé
Jean-Carles Grelier (apparenté LR) : « Aucune vision pour la santé »
Les principales mesures
Dr Thomas Mesnier (LREM) : « Ce texte est historique »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique