Étendre les missions dévolues aux infirmiers ? La Mutualité sociale agricole (MSA) a sauté le pas il y a trois ans… dans le cadre de la médecine du travail. Confronté à un nombre insuffisant de praticiens pour réaliser les examens nécessaires au bon suivi des effectifs salariés ou exploitants relevant du régime agricole, l’organisme de protection sociale a lancé une expérimentation en santé au travail (SST) prévue par l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021.
En substance, ce dernier autorise, dans le cadre d'un protocole de coopération, les médecins du travail de quatre services de SST volontaires à déléguer aux infirmiers « qualifiés en santé au travail » la réalisation de trois examens spécifiques : l’examen périodique du travailleur agricole, dans le cadre du suivi individuel renforcé (SIR) ; celui de reprise de la travailleuse agricole après son congé de maternité, hors SIR ; et enfin, le bilan d’exposition aux risques professionnels effectué lorsque le travailleur agricole atteint l’âge de 50 ans.
Les MSA de Haute-Normandie, de Mayenne Orne Sarthe, de Midi-Pyrénées Nord et de Sud Aquitaine se sont portées volontaires. Celles des Alpes-Vaucluse, de Beauce Cœur de Loire, des Côtes Normandes et de Midi-Pyrénées Sud, à situation démographique comparable, ont joué le rôle de services témoins. Les résultats sont sans appel. Les caisses expérimentatrices ont réalisé un nombre total d'examens supérieur à la moyenne des caisses témoins. À la satisfaction des médecins et des infirmiers, qu’il a fallu cependant convaincre au départ.
Les infirmiers qualifiés en santé au travail peuvent assurer la réalisation de trois examens spécifiques
« Les freins culturels à la délégation de tâches ont été levés parce que nous avons passé beaucoup de temps à accompagner les équipes, témoigne la Dr Dominique Semeraro, de la caisse centrale de la MSA. Nous avons formé les professionnels de santé : certains médecins étaient réticents à l’idée de déléguer des tâches médicales, et les infirmiers parfois inquiets face à leurs nouvelles responsabilités. Il a fallu beaucoup les rassurer. » En vérité, poursuit la responsable, « le secret d’une délégation réussie réside dans la relation de confiance qui se crée au fil de l’eau et le débriefing » régulier entre les deux professions. L’infirmier conserve la possibilité d’avoir son médecin délégant au bout du fil en cas de nécessité. Et si ce dernier est absent, un autre praticien se rend disponible. « Ce sujet est bien identifié dans le protocole cadre de délégation que nous avons créé », explique-t-elle encore.
Le succès étant au rendez-vous, tant « en termes de visites réalisées que de confiance entre les intervenants, médecins et infirmiers », la MSA entend désormais généraliser la délégation de tout ou partie de l’examen médical d’aptitude (EMA) périodique à un infirmier. L’EMA initial du suivi individuel renforcé restera, lui, toujours réalisé par le médecin, qui garde aussi la main en cas de problème de santé du salarié requérant une expertise médicale.
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