Trois à quatre femmes sur dix seraient victimes de violences de couple en tous genres. La profession le perçoit-elle ?
Dr Yannick Schmitt : Les généralistes ont pris conscience que les violences conjugales ne sont pas assez dépistées. Mais il y a 15 jours, un gynécologue membre d’un jury de thèse sur le sujet s’est braqué sur ce chiffre. Cela prouve qu’il reste des progrès à faire sur la perception des violences domestiques.
Les généralistes sont-ils armés pour détecter ces violences ?
Dr Y. S. : Non. La formation à la prise en charge des violences manque énormément. Les médecins en exercice n'ont pas appris à les dépister et à les prendre en charge pendant leurs études. Aujourd'hui, trois quarts des facultés proposent un enseignement en lien avec les violences conjugales, mais à des niveaux disparates d'une fac à une autre.
Quel bilan tirez-vous de vos formations mises en place en Alsace pour sensibiliser les professionnels à ce sujet ?
Dr Y. S. : Cette formation à destination des professionnels de premier recours – sages-femmes, infirmières, gynécologues et généralistes – était axée sur le repérage. Ceux qui l’ont suivie pratiquent quatre fois plus le dépistage systématique. Les internes en médecine générale se sentent eux six fois plus à l'aise avec ce sujet.
La HAS préconise de poser systématiquement la question en consultation, est-ce si simple ?
Dr. Y. S. : Les recos de la HAS étaient très attendues et sont une bonne chose. On pose la question de l'alcool et des drogues, mais moins facilement celle des violences qui sont beaucoup plus répandues. On se met des barrières en se disant que c'est un thème sensible. On a peur de ne pas savoir à qui adresser, quel recours juridique conseiller... Poser la question de manière systématique permet justement de montrer au patient que ce n'est pas stigmatisant.
Le Grenelle des violences permettra-t-il de mieux prendre en charge cette problématique ?
Dr Y. S. : Certainement mais je poserais un bémol. On a beaucoup axé le domaine autour des urgences, où chaque service dispose d’un référent “violences conjugales”. Or, les femmes se rendent rarement aux urgences pour demander un certificat médical. Les professionnels de ville qui souhaitent se former à ce sujet ont besoin d'un soutien politique fort. Les violences conjugales pourraient être une orientation prioritaire de DPC. Et les outils de prise en charge comme Déclic Violence mériteraient des financements plus conséquents.
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