À une semaine d’une nouvelle réunion multilatérale, jugée déterminante, la signature majoritaire des syndicats de médecins libéraux est loin d’être acquise. Les dernières propositions tarifaires avancées par le directeur général de l’Assurance-maladie, Thomas Fatôme, sont toujours jugées insuffisantes, particulièrement du côté des médecins spécialistes.
Les deux premières organisations représentatives des spécialistes libéraux (Avenir Spé-Le Bloc et les Spécialistes-CSMF) sont à nouveau montées au créneau ces derniers jours, chacun dans leur registre, pour dénoncer un projet de deal conventionnel « déséquilibré » au détriment de la médecine de spécialité, qui a pourtant subi une inflation importante de ses coûts, sur fond de blocage tarifaire depuis des années.
Dans ce contexte, le « deux poids, deux mesures » excessif passe mal. « On a bien compris que la future convention allait se pencher davantage vers les généralistes traitants et cela nous paraît logique. Mais réserver seulement 20 à 25 % de l’enveloppe à la revalorisation des spécialistes, c’est quand même très problématique », prévient le Dr Bruno Perrouty, président de la branche spécialiste de la CSMF. Le neurologue de Carpentras a fait ses premiers calculs. À périmètre constant, la hausse du G à 30 euros représente à elle seule « un investissement de 700 millions d’euros pour la médecine générale », versus … 70 millions d’euros pour les spécialistes via un avis ponctuel de consultant (APC) revalorisé à 60 euros. « C’est dix fois moins… Il faut rééquilibrer, faute de quoi il n'y aura pas de signature », ajoute le spécialiste, même si l’enveloppe globale dévolue aux spécialistes devra aussi intégrer les autres mesures pour les disciplines cliniques au bas de l’échelle des revenus (pédiatrie, psychiatrie, endocrinologie, etc.) et pour les « techniciens » (valorisation du point travail, revalorisation des options de pratique tarifaire maîtrisée – Optam – et future enveloppe pour rééaluer la CCAM technique). Mais beaucoup de flou demeure sur ces derniers sujets.
L’APC pour tous ?
Parmi les revendications phares, le Dr Patrick Gasser, coprésident d’Avenir-Spé Le Bloc, réclame en premier lieu l’élargissement des modalités de cotation de l’acte d’expertise (APC) « à tous les spécialistes », pour tout nouveau patient, toute demande d'avis spécialisé par un confrère et pour des réévaluations de pathologies chroniques. Une façon de déverrouiller l’expertise de second recours. « Aujourd’hui il faut sortir de cette situation de blocage », résume le gastroentérologue de Nantes.
Et côté spécialités techniques, les centrales exhortent la Cnam à investir fortement sur l’enveloppe « sanctuarisée » de la future CCAM et à revaloriser significativement les contrats de modération tarifaire (Optam), de façon à y attirer davantage de spécialistes de secteur 2. Aujourd’hui, seuls 53 % des spécialistes éligibles ont adhéré à ces options. « Pour la CCAM technique par exemple, nous avons estimé à trois milliards d’euros l’enveloppe nécessaire, il y a une donc une très grosse marge par rapport à ce que propose la caisse… », confie, amusé, le Dr Gasser
Bataille de lobbying
Dans le camp des généralistes, on défend aussi son territoire, y compris par rapport à d’autres cliniciens. Ainsi, MG France n’admet pas que « l’activité quotidienne des médecins généralistes dans le champ de la pédiatrie ne leur ouvre pas les cotations (majorées) prévues pour les pédiatres pour les mêmes actes ». « Les généralistes suivent 80 % des enfants. Le même acte doit avoir le même tarif. Le travail des généralistes dans ce suivi doit être reconnu », argumente la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France.
Sur son site, la FMF se montre également très agacée par certaines inégalités tarifaires. La Dr Patricia Lefébure, présidente du syndicat, dénonce « la différence de rémunération pour les consultations obligatoires entre pédiatres et généralistes, alors que ces derniers assurent 80 % de la surveillance pédiatrique ». « La présidente des pédiatres le justifie par le fait que le pédiatre a une expertise qui justifie la différence de tarifs avec les MG. Alors chiche, puisque nous sommes incompétents, refusons désormais de les faire et confions-les toutes aux pédiatres : combien de temps avant que ça explose ? », peut-on lire.
Autre grief, cette fois exprimé par les Généralistes-CSMF. Son président, le Dr Luc Duquesnel, regrette que la valorisation spécifique des consultations avancées des spécialistes cliniques dans les zones d’intervention prioritaire n’inclut pas les généralistes. « Pourquoi cette différence ? », s’interroge le généraliste de Mayenne.
Décidément, la question de l’équilibre financier général et de l’équité entre généralistes et spécialistes risque d’alimenter les crispations jusqu’aux arbitrages définitifs.
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