« Mon médecin traitant est à la retraite depuis des années et je n’arrivais pas en trouver un nouveau. La téléconsultation m'a surpris au début mais finalement, ça me convient », confie Pascal, un jeune trentenaire. Assis un peu plus loin, un autre patient acquiesce. Nicolas a parcouru dix km pour avoir un avis médical sur son œil rouge. « Cela ne me gêne pas de ne pas voir physiquement le médecin. L'intérêt, c'est d'éviter les urgences », ajoute-il.
Scène ordinaire à La Selle-sur-le-Bied, commune rurale de 1 000 habitants du Loiret. Depuis septembre, le cabinet paramédical rénové de fond en comble abrite une cabine équipée d'un chariot de téléconsultation, d'un ordinateur, d'une caméra et d'instruments connectés (stéthoscope, otoscope, thermomètre, dermatoscope, tensiomètre et oxymètre). À raison de deux ou trois créneaux de téléconsultation par semaine, les patients sont accueillis par un binôme infirmier/médecin (à distance).
Patients sans médecin traitant
Ce jour-là, Audrey Guillot, infirmière libérale sur place, et le Dr Pierre Dubois, généraliste retraité à Tours, assurent les téléconsultations. L'infirmière accueille, prend les constantes et enregistre les résultats dans le dossier médical. Derrière la webcam, le médecin muni d'un casque mène son interrogatoire. À la fin de la consultation, il adresse l'ordonnance électronique à l'infirmière, qui l'imprime et la remet au patient. « La population est contente, se réjouit Pascal Delion, maire de La Selle-sur-le-Bied. Depuis la mise en place du service, des habitants nous disent qu’ils ne vont plus aux urgences de l'hôpital de Montargis. »
À trente km de là, à Châtillon-Coligny, la scène se répète. Guillaume Presle, infirmier remplaçant, et le Dr Thierry Autard travaillent en duo. Le généraliste, installé dans un cabinet de groupe… à Montpellier, s'est lancé dans les consultations à distance « pour voir » et « pour rendre service à des patients sans médecin traitant ».
Après quelques mois de pratique, il est convaincu et a même entraîné son confrère montpelliérain, le Dr Régis Fabre, dans l'aventure ! « J'avais un peu d'appréhension de ne pas connaître le patient et de ne pas pouvoir le toucher », témoigne ce dernier, qui utilise la téléconsultation pour des renouvellements de traitement, la prescription de bilans biologiques et la rédaction de courriers de suivi à l'intention des spécialistes du Loiret. « La téléconsultation n'est pas réservée à la bobologie, assure-t-il. Depuis le début, j'ai eu une majorité de personnes âgées atteintes de pathologies chroniques en rupture de suivi. »
Désengorger les urgences
Le Loiret affiche un ratio de 92 généralistes pour 100 000 habitants, bien en deçà de la moyenne nationale (130). Face à la désertification médicale, les autorités locales ont pris le taureau par les cornes. C'est sous l'impulsion du député (LR) Jean-Pierre Door, ex-cardiologue, qu'un projet départemental a été mis sur pied dans le Gâtinais depuis 2017 et expérimenté avec l'accord de l'ARS Centre-Val de Loire. « La solution des maires des communes sans médecin est souvent la contrainte à l'installation, ce qui ferait fuir les jeunes. C'est pourquoi j'ai proposé cette option », précise le député médecin. Châtillon-Coligny, La Selle-sur-le-Bied mais aussi Saint-Maurice-sur-Fessard offrent ce service à leurs administrés. Plusieurs centaines de patients en ont déjà bénéficié.
Les communes qui font une demande d'équipement en téléconsultation acceptent de prendre un local à leur charge. Le conseil régional débourse 25 000 euros pour chaque plateau technique de télémédecine fourni par la start-up Healphi. L'ARS rémunère les actes infirmiers sous forme de vacation de trois heures par créneau (à hauteur de 14 euros net de l'heure). Quant aux médecins, ils sont rémunérés 25 euros par téléconsultation.
Antérieur à l'avenant 6 sur la télémédecine remboursée, le projet Loiret doit entrer dans les clous s'il veut devenir pérenne, ce qui suppose de s'appuyer ses des organisations territoriales référencées. « Nous aimerions recruter des généralistes locaux, mais s'il n'y en a plus pour les consultations classiques, il n'y en a pas non plus pour la consultation à distance, justifie Tarik Mouamenia, directeur général de Healphi. Pour nous intégrer dans le droit commun, nous allons contacter les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) afin de monter des projets coordonnés. Encore faut-il qu'elles existent. »
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