Chassez la coercition, elle revient au galop ! Sous la pression des usagers, confrontés aux difficultés croissantes d’accès aux soins, les élus locaux et les parlementaires n’ont eu de cesse d’interpeller l’État pour mieux répartir les médecins, tout au long de l’année 2024, réclamant à qui mieux mieux des solutions d’encadrement du secteur libéral.
En juin, la charge est venue de l’ouest. Une vingtaine de maires bretons ont pris des arrêtés symboliques pour forcer l’État et son bras armé, l’ARS, à lancer « un plan d’urgence pour l’accès à la santé », sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Fin juin, le mouvement embarquait plus de 50 édiles dans l’aventure. Relayant le cri d’alarme des maires, les candidats de tous bords politiques, en pleine campagne des législatives, ont placé l’accès aux soins au cœur de leurs programmes.
À côté des mesures incitatives, la régulation à l’installation dans les déserts médicaux est mise en avant par les forces de gauche, unies sous la bannière du Nouveau Front populaire. En septembre, dans une nouvelle Assemblée nationale morcelée, pas moins d’une dizaine de propositions de loi ont été déposées sur l’accès aux soins. Le coup de pression est venu tout particulièrement du parti centriste (MoDem). Deux textes ciblant les jeunes médecins diplômés ont été présentés par Géraldine Bannier, députée de la Mayenne. Le premier texte consiste à imposer une année obligatoire d’exercice en zones sous dotées pour tous les nouveaux diplômes. L’autre, moins contraignant, consisterait à mettre en place « un service civique médical » d’un an, fondé uniquement sur le volontariat, en zone sous-dense et sous une forme salariée, pour les jeunes généralistes et spécialistes nouvellement diplômés. Deux textes non encore examinés.
Une autorisation préalable par l’ARS
Mais sous la pression des élus et des patients, les lignes politiques ont clairement bougé en cette rentrée parlementaire, et ce jusque sur les bancs du parti présidentiel. Alors que le gouvernement et l’Élysée ont toujours rejeté toute idée de coercition, certains députés macronistes n’ont plus hésité à soutenir d’autres leviers que ceux purement incitatifs, en signant la nouvelle proposition de loi transpartisane portée par l’opiniâtre Guillaume Garot. Le député socialiste de Mayenne a fait des déserts médicaux son cheval de bataille depuis 2016. Ce texte a réuni 237 députés appartenant à neuf groupes parlementaires autour du principe de « régulation » de l’installation des médecins, avec une mesure phare : le conventionnement sélectif. De fait, si le texte était adopté en l’état, toute nouvelle installation serait soumise à une autorisation préalable de l’ARS.
Cette solution est également mise en avant en novembre dans un rapport touffu du sénateur Bruno Rojouan, membre de l’influente commission de l’aménagement du territoire de la haute assemblée. Mais s’il n’est pas question de « réguler la totalité de l’implantation médicale, ce qui serait une folie », a défendu l’élu, conditionner l’installation dans les zones les mieux dotées à un « exercice partiel en zone sous-dotée, sous la forme de consultation dans un cabinet secondaire » semble pertinent. Le sénateur propose que les médecins s’emparent de cette idée afin de la « tester ». « Et s’ils n’en sont pas capables, on légiférera ! » a-t-il tonné.
« Fausses solutions aux effets pervers »
Interpellée à plusieurs reprises sur cette question, la ministre démissionnaire de la Santé, Geneviève Darrieussecq avait rappelé, avant la censure du gouvernement Barnier, que le recours à la contrainte ne fonctionne pas sur des ressources humaines insuffisantes. Alors que la totalité des syndicats représentatifs des jeunes comme des praticiens installés se sont toujours opposés à des « fausses solutions aux effets pervers » qui détourneront vers le salariat les nouveaux venus. Cette position sera-t-elle soutenue par le nouveau gouvernement ?
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