Le doublement du nombre de médecins exerçant en centre de santé amène à se poser une question, angoissante pour certains : qu’adviendrait-il si le salariat devenait le mode d’exercice dominant en médecine de ville ?
La rémunération. Les médecins salariés, dont la rémunération est fondée sur les grilles des structures pour lesquelles ils exercent (collectivités territoriales, associations…), sont généralement moins bien payés que leurs confrères libéraux. Eric May, président de l’USMPS, cite des rémunérations moyennes situées entre 3 500 et 5 000 nets euros par mois, sachant qu’elles peuvent inférieures à cette fourchette « dans de petites structures militantes », et qu’elles peuvent lui être supérieures « selon l’ancienneté et les compétences ». Si le salariat devenait la norme, les médecins doivent donc s’attendre à une chute de leurs revenus.
Le temps de travail. Mais cette chute des revenus est à relativiser si l’on prend en compte le temps de travail : la plupart des médecins des centres de santé effectuent entre 35 et 40 heures hebdomadaires, durée que beaucoup de leurs confrères libéraux considéreraient presque comme un mi-temps. « Si le salariat devenait hégémonique, le service rendu ne serait pas du même ordre en matière de permanence des soins, de disponibilité, d’horaires, etc. », estime le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Une analyse que récusent les défenseurs de la médecine salariée. « Certes, le médecin libéral fait plus d’heures, mais une grande partie de son temps de travail est dévorée par le temps administratif », remarque le Dr Hélène Colombani, présidente de la FNCS. « Au final, en termes de temps médical, les choses sont assez similaires entre le salarié et le libéral. »
Les finances publiques. Pour Jean-Paul Ortiz, une chose est certaine : la vogue des centres de santé constitue un coût supplémentaire. « On voit bien que tous les centres de santé, qu’ils soient municipaux, départementaux, mutualistes ou autres, sont en déficit : l’activité générée par le soin ne leur suffit pas et ils ont besoin d’un complément budgétaire de la part de leur maison-mère », remarque le président de la CSMF. « Il y a donc une menace pour le budget de la santé dans le pays. »
La retraite. Si tous les libéraux devenaient salariés, que deviendraient leurs aînés ? « Il est vrai que le rapport entre le nombre de cotisants actifs et le nombre de bénéficiaires retraités risque de se dégrader, ce qui pourrait constituer un problème pour la Carmf (Caisse autonome de retraite des médecins de France, ndlr) », note le Dr Yannick Schmitt, président du syndicat de jeunes Reagjir. « Mais il faut voir comment cela va se combiner avec la réforme des retraites en cours. » Jean-Paul Ortiz abonde dans le même sens. « On va vers une retraite universelle quel que soit le secteur où l’on exerce », remarque-t-il. « Il est dans ces conditions difficile de prédire l’impact du développement de la médecine salariée sur la retraite des libéraux. »
L’indépendance professionnelle. Yannick Schmitt tient à soulever un point rarement mentionné quand on parle du développement de la médecine salariée : celui de l’indépendance professionnelle. « Certains centres de santé préfèreraient avoir des consultations toutes les 10 minutes plutôt que toutes les 20 minutes, et d’autres peuvent avoir tendance à restreindre certaines prescriptions ou à privilégier des orientations vers des correspondants exerçant au sein même de la même structure », note-t-il. Le jeune généraliste appelle donc à veiller à ce que le développement de l’exercice en centre de santé ne s’accompagne pas d’une limitation de la liberté d’action des médecins.
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