Comment interprétez-vous les conclusions de ces études ?
Frédéric Bonlarron. Le problème avec le burn out est qu’on est aveugle à ce qui fait mal. Or, la relation médecin-malade est peut-être à l’origine d’une souffrance sourde dont les médecins n’ont pas conscience mais qui produit une usure au cours des années. Aujourd’hui, en effet, on demande énormément de choses aux médecins. Des demandes qui parfois les dépassent. Tout en ayant perdu une partie de son aura, le médecin a toujours une place forte. Il reste une figure sacralisée, notamment chez les patients âgés. Mais c’est une position délicate : on le met sur un piédestal duquel il peut tomber.
Sommes-nous face à un nouveau phénomène ?
La souffrance au travail est devenue massive et les médecins ne sont pas épargnés. Or, pour eux, c’est d’autant plus difficile de le reconnaître qu’ils sont du côté des soignants. Il y a donc une barrière psychologique à franchir qui consiste à admettre qu’ils sont des hommes comme les autres ! Quand, en plus, on touche à son cœur de métier, le problème est difficile à résoudre et on préfère s’occuper de ce qui est périphérique. En outre, il y a un décalage entre la formation qu’ils ont reçue et ce à quoi ils sont confrontés. Face à la souffrance psychique, les généralistes ne sont pas toujours préparés. Formés de façon beaucoup trop scientifique à la mécanique du corps, ils se retrouvent démunis quand il s’agit d’individus fragiles qui trouvent en eux leur dernier rempart.
Y a-t-il des médecins plus à risque que d’autres ?
Ceux fortement investis dans leur mission et qui sont très ouverts aux demandes de leurs patients. Or cette demande est impossible à combler. Du coup, ils prennent sur eux. Cependant, il ne faudrait pas que, ces médecins se murent dans le silence pour se protéger du burn out. Ils doivent, au contraire, apprendre à écouter, mais pas comme ils le font aujourd’hui, pris dans l’injonction de donner une réponse à tout prix.
Quels signes doivent alerter?
C’est souvent l’entourage du médecin qui lui renvoie une image dont il n’a pas conscience. Le burn out agit à son insu. Irritabilité, agressivité, l’habitude de se servir un verre en rentrant le soir, peuvent cependant pousser le médecin à s’interroger. La prévention du burn out passe par les passions qu’on cultive, par ses hobbies, par les activités en dehors du travail. Si le médecin n’a que la médecine dans sa vie, il est plus à risque d’être en danger.
Quelle stratégie adopter face à des patients difficiles ?
Il faut le faire savoir sans « pathologiser ». Il n’y a pas de honte à avoir. Plus qu’une maladie, le burn out est un symptôme individuel d’une pathologie sociale. Il faut parler en groupe, non seulement pour vider son sac mais pour apprendre à écouter et à analyser la demande du patient. Même si c’est dur à comprendre quand on a été formé à faire taire la souffrance, écouter ne veut pas dire satisfaire l’autre à tout prix.
Article précédent
Deux enquêtes et un débat à Reims
Deux enquêtes et un débat à Reims
« Écouter ne veut pas dire satisfaire l’autre à tout prix »
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne