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Puis-je être le bénéficiaire d'une assurance-vie souscrite par un patient ?

Publié le 21/03/2023

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste et à Maître Jacques-Henri Auché, avocats au cabinet Auché, partenaire du journal.

renaud
Une ancienne patiente, âgée de 73 ans, m'a désigné comme bénéficiaire d'une assurance vie. Elle vient de décéder.
Il s'avère que je ne l'ai pas vu depuis des années, étant à la retraite.
En tant que psychiatre, je la voyais régulièrement lors de ses passages à l'hôpital pour voir l'assistante sociale.
Elle ne présentait pas de pathologie psychiatrique et n'avait pas de traitement.
Je ne connais pas la cause de son décès ni les pathologies somatiques qu'elle pouvait présenter. 
Ai-je le droit de bénéficier de cette assurance-vie ?
Avec mes remerciements.
Cher Docteur,
Tout dépend si vous si vous avez prodigué des soins pendant la maladie de ladite patiente ayant entrainé son décès.
En effet aux termes de l'Article 52 : Interdiction de recevoir des dons et legs (article R.4127-52 du code de la santé publique). Le médecin qui aura traité une personne pendant la maladie dont elle est décédée ne pourra profiter des dispositions entre vifs et testamentaires faites par celle-ci en sa faveur pendant le cours de cette maladie que dans les cas et conditions prévus par la loi. Il ne doit pas davantage abuser de son influence pour obtenir un mandat ou contracter à titre onéreux dans des conditions qui lui seraient anormalement favorables. Si vous n’avez pas soigné cette personne pendant la maladie dont elle est décédée, cette disposition ne s’applique pas.
En principe, il n’est pas possible de contester un bénéficiaire d’une assurance vie; seul l’assuré peut modifier la clause bénéficiaire. Seul un recours est possible devant un tribunal judiciaire pour primes exagérées.
Ainsi, sauf abus de faiblesse, vous pouvez être le bénéficiaire de cette assurance-vie.
Si la victime directe est décédée, les héritiers peuvent poursuivre au pénal en se prévalant de leur qualité d’héritier, des faits d’abus de faiblesse.
L’article 223-15-2 du Code pénal punit l'auteur d’abus de faiblesse d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
La Chambre criminelle de la cour de cassation a proposé une illustration de ce que peut être un abus de faiblesse dans le secteur de l’assurance-vie.
Dans un arrêt du 10 novembre 2015 (pourvoi n°14-85.936, Légifrance), la Chambre criminelle de la cour de cassation précise les conditions légales pour conclure à un abus de faiblesse.
L'abus de faiblesse suppose une situation de vulnérabilité chez la victime (âge, maladie, infirmité, déficience, grossesse).
Cette faiblesse doit être connue de l’auteur.
Il faut encore prouver un acte ou une abstention imputable à l'auteur gravement préjudiciable à la victime ou de nature à lui causer un préjudice, comme celui de la priver de la faculté de gratifier un descendant.
En conclusion, il est impératif de rassembler tous les éléments de preuve permettant d’établir la vulnérabilité de la victime au moment de l’acte litigieux, la connaissance de cette situation par l’auteur de l’infraction, le mode opératoire, si des pressions, manœuvres, fraudes, agissements ou abstention ont été commis, et enfin le préjudice subi sur la victime.

Bien à vous
Maud Geneste
Avocat 
1 rue Saint Firmin 
34000 Montpellier 
https://www.ah-avocats.fr
m.geneste@ah-avocats.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr